L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

La Levantine
de Thierry Séchan
Le Rocher 2003 /  14.50 €- 94.98  ffr. / 180 pages
ISBN : 2268047334
FORMAT : 13x20 cm

Crac ! Boum ! Hue !

Roman, écrivain à la quarantaine ténébreuse, débarque, comme chaque année à la fin du mois d’août, sur l’île naturiste du Levant. Il vient là tous les étés pour essayer de trouver le calme nécessaire à son inspiration, pour être touché par la grâce des Muses, mais aussi pour se promener tout nu et fricoter avec les Allemandes. Pourtant cette fois-ci, il croise dès le premier jour la belle Camille et sa non moins charmante fille Laure, adolescente qui va fortement troubler notre héros. Au fur et à mesure de leurs rencontres, Roman va tomber amoureux de Laure et la désirer, Laure va tomber amoureuse de Roman et le harceler, Camille va assister à tout ça avec bienveillance… et le regretter.

Pour son premier roman, Thierry Séchan, que l’on a surtout connu portraitiste et parolier, nous rend compte des tergiversations éthiques de son héros, un peu trop complaisamment poursuivi par les avances de la jeune fille. Qu’un homme de quarante ans s’enflamme pour une adolescente de quatorze, pourquoi pas. Que cette attirance se révèle plus que réciproque, passe encore. Que la mère de la jeune fille soit très amusée par la situation («Bonsoir, les amoureux !»), et l’on commence à sérieusement douter de la crédibilité du propos.

Cette première impression ne s’arrange en rien quand l’auteur nous gratifie d’une galerie de portraits fleurant bon le vieux stéréotype des familles. Roman est écrivain, donc il aime les vieux crayons et boire des cafés tout seul en terrasse. Le barman est bien brave, mais un peu malhonnête et vite agaçant car il parle beaucoup. L’amant italien est velu et arbore fièrement une grosse chaîne en or («Comment cette femme d’allure si noble pouvait-elle fréquenter un homme aussi vulgaire ?» se demande avec effarement Roman qui lui, est tellement fréquentable…). Et surtout, à côté de Laure, Catherine Millet passerait pour une farouche communiante ; comment voulez-vous après ça que les repères de Roman ne vacillent pas un peu ?

Heureusement, comme il est très cultivé, il essaye de calmer ses pensées immorales (et l’auteur de camoufler l’indigence de sa plume) en citant à tour de bras Goethe, Dante ou Visconti. Non seulement ça ne marche pas très bien, mais cet étalage de culture devient à la longue légèrement agaçant (on n’est pas obligé d’emprunter les mots d’Arthur Rimbaud à chaque fois qu’on est content d’avoir bien bronzé pendant l’après-midi…).

Tout cela ne finira pas dans la joie et la bonne humeur mais heureusement, les personnages sont au final tellement insignifiants que l’expérience n’est guère traumatisante pour le lecteur. N’est pas Nabokov qui veut. Thierry Séchan y fait d’ailleurs une allusion dès le début du livre, quand Roman se demande quel peut bien être le prénom de la jeune fille qu’il a croisée dans l’après-midi : «"Pas Lolita, tout de même…" songea-t-il en priant pour que ce ne fût pas le cas.» Qu’il se rassure, sa prière a été exaucée ; cette Levantine est très loin d’être Lolita

Guillaume Clapeau
( Mis en ligne le 10/09/2003 )
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