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Littératureet Romans & Nouvelles  

Un fils sur le front
de Edith Wharton
Flammarion 2004 /  20 €- 131  ffr. / 348 pages
ISBN : 2-08-068399-3
FORMAT : 15 x 24 cm

Titre original : A son at the front (1923). Traduit par Jean Pavans.

La guerre d'un père

1914. John Campton, peintre américain, est installé à Paris depuis de nombreuses années. Séparé de sa femme, qui s'est remariée avec un riche compatriote, il attend avec impatience la venue de son fils unique, George, avant que celui-ci ne rejoigne les Etats-Unis pour y prendre un emploi dans la banque de son beau-père. Mais à peine George arrive-t-il à Paris que la guerre éclate. L'ordre de mobilisation est placardé sur les murs, et tout américain qu'il soit, George, né en France, ne peut échapper à l'appel sous les drapeaux.

En dépit des manœuvres de ses proches, qui tentent tout leur possible pour lui éviter le danger et ce, au mépris de son propre désir de participer au conflit, il rejoint finalement une caserne dans l'Est. Commence alors pour John Campton un longue épreuve, celle de la guerre vécue par procuration, au travers de la personne qui compte le plus pour lui : son fils. Une guerre à la fois lointaine et proche, qui va affecter très directement la vie du peintre et de son entourage : ex-femme, amis, amis de son fils, voisins…

En ce sens, Un fils sur le front apparaît comme un livre sur la guerre vue par ceux qui ne la font pas. Il présente un contraste remarquable entre une jeunesse courageuse, désireuse d'en découdre non par bellicisme mais par sens du devoir, et des adultes pessimistes et inquiets, tout occupés à s'imaginer le front et à s'inventer tant bien que mal une vie «comme si de rien n'était» pour occulter l'angoisse. Ceux qui restent ont d'ailleurs plus peur que ceux qui vont au feu. Et ce qui est perçu comme une chance par les parents – la blessure grave qui éloigne des tranchées – est aux yeux du blessé une trahison pour les compagnons d'armes restés au front, vivants ou morts.

Au-delà de ce point de vue particulier sur la Grande Guerre, le roman d'Edtih Wharton, écrit en 1923 et publié pour la première fois en France, est surtout la peinture d'une relation père-fils : la découverte du second par le premier; le rapprochement et l'incompréhension; les petites tricheries par amour et les grands élans de générosité; la peur de la perte, enfin. Avec, toujours, cette part irréductible d'étrangeté entre deux hommes du même sang.

Edith Wharton développe ces deux thèmes majeurs sous un angle très américain et très mondain à la fois. Le cercle des amis du peintre est surtout fait d'artistes, d'émigrés, de gens d'une certaine société éduquée, souvent aisés et oisifs. Il est donc difficile de dire si le roman offre une vision représentative de l'état d'esprit général de l'époque en France. Mais la qualité d'écriture de l'auteur, son intuition, son talent à décrire les états de l'âme, donnent au livre une portée suffisamment large pour que chacun s'y retrouve. Et sans être un chef-d'œuvre, ce Fils sur le front a la mérite d'être resté très moderne, et de présenter toutes les qualités du travail bien fait.

On regrettera simplement que l'éditeur ne manifeste pas les mêmes égards que l'auteur pour le lecteur. Paresse ou malchance ? Des coquilles, des erreurs de typographie parsèment le livre, trop peu nombreuses pour être graves, mais assez pour être remarquées. Donc corrigées…

François Gandon
( Mis en ligne le 31/03/2004 )
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