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Littératureet Romans & Nouvelles  

Carnets d'une soumise de province
de Caroline Lamarche
Gallimard - Folio 2005 /  5.30 €- 34.72  ffr. / 208 pages
ISBN : 2-07-030916-9
FORMAT : 11x18 cm

Première publication en février 2004 (Gallimard - Blanche).

Connais-toi moi-même

"Connais-moi", m’avez-vous ordonné lors de notre première rencontre. Me soumettre, c’est vous connaître par l’outil le plus raffiné que je possède : mon imagination. Ainsi s’exprime la narratrice, auteure de ces Carnets. Et l’on comprend quel lien s’est établi entre elle et celui qu’elle désigne comme étant son Maître. Lien qui serre jusqu’à faire mal, jusqu’à marquer de son empreinte. Mais voilà, dans ce rapport sado-maso, qui est le véritable maître ? Celui qui obéit aux contraintes de la domination qu’il exerce ou bien celle qui paraît se soumettre ? Qui tire les ficelles et qui, en fin de compte, s’agite impitoyablement telle une marionnette ? Plus subtil qu’il n’y paraît est le rapport entre souffrance et plaisir ; et l’équation, à prendre au second degré, contient plus d’inconnu que n’en révèle le livre.

Cette histoire de Renarde (surnom donné à la protagoniste) s’insère entre une Histoire d’O (Pauline Réage) et une Histoire de l’œil (Georges Bataille) où la fluidité du regard n’a d’égal que l’écoulement des liquides provenant du corps multiplié par l’épanchement du désir d’exister. Ici l’érotisme relève du rite, de la cérémonie, de l’agencement d’une forme de sacré dans la pulsion de vie – une forme sacrément maîtrisée. Car, du style émane le plaisir de la langue, la jouissance convulsive des mots, qu’il s’agisse de souffrance ou d’émotion.

Caroline Lamarche nous offre une intimité (réelle ou fantasmée) qui nous fait pénétrer dans l’humaine condition : celle de la pulsion et de la pulsation ; de l’étreinte et de l’astreinte ; de l’attente et de l’entente ; de la vie, de l’envie ; de la mort, la petite ou la grande ; du plaisir et de l’absence. De tout ça et d’autres choses. Encore. Ne serait-ce donc pas cette récurrente dialectique du maître et de l’esclave qui noircit les Carnets de cette soumise de province ? Avec cette apparente connivence – là où sont en jeu les dignités humaines.

Daniel Leduc
( Mis en ligne le 15/06/2005 )
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