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Littératureet Romans & Nouvelles  

Amours transversales
de Catherine Cusset
Gallimard - Folio 2005 /  6.40 €- 41.92  ffr. / 267 pages
ISBN : 2-07-031852-4
FORMAT : 11x18 cm

Première publication : février 2004 (Gallimard - Blanche).

Les histoires d’amour finissent mal, en général !

Tout commence de manière innocente : la rupture d’un amour de jeunesse a quelque chose de nostalgique, jusque dans le désarroi qui frappe la toute jeune Myriam, et qui la jette dans les bras d’un bel italien. Quelques pages tracent le portrait d’une jeune fille aussi désespérée qu’on peut l’être à vingt ans (même si Paul Nizan, pour le plus grand bonheur des lycéens, disait que…) et pour qui l’aventure sentimentale (et sexuelle) tient lieu de consolation. On n’est certes pas sérieux quand on a dix-huit ans et ce premier amour italien, un peu détaché, impersonnel, ressemble au voyage de Michel Butor à Rome dans La Modification. Mais il faut bien grandir, vieillir, et approfondir les sentiments qui nous relient aux autres : Quelques années plus tard, Xavier, vainqueur final des hésitations de Myriam et époux satisfait, bascule dans l’adultère à coup de foudre. Mais encore une fois, on n’est pas sérieux quand on a dix-huit ans : c’est en l’occurrence l’âge de l’élue, la troublante Camille, artiste bardée de prozac, qui tombe amoureuse comme en happening, sans s’attacher ni même y penser. Xavier, quarantenaire transi et adulte responsable, se retrouve au cœur d’un amour biaisé, imprévu et déprimant. Encore un peu plus tard, c’est Myriam, la quarantaine épanouie, en visite à Berlin, qui se livre également à des amours qui, pour n’être que physiques, n’en sont pas moins transversales : on glisse toutefois des «vertes années» à une maturité parfois difficile à porter. Quant à Camille, désormais trentenaire et mariée richement avec l’ombre d’un financier américain, elle n’a pas fait le deuil de sa jeunesse et de ses illusions… mais le monde la rattrape brutalement sur une plage mexicaine : hasards de la mondialisation.

Passant du «je» des confessions de la radine au «il/elle», C. Cusset nous entraîne avec ce roman - aujourd'hui au format poche - dans le sillage de sentiments de plus en plus forts et violents, depuis la gentille passade adolescente jusqu’au meurtre. Comme pour ses précédents ouvrages, on retrouve ici le charme inimitable de l’écrivain français au-delà de l’Atlantique. Tandis que la littérature germanopratine s’extasie devant les piètres fulgurances de quelques publicitaires reconvertis en écrivains besogneux et apparatchiks du tout-Paris, C. Cusset, à l’écart, livre des histoires subtiles qui évoquent la littérature anglo-saxonne actuelle de qualité (Alison Lurie, David Lodge…). Du reste, la lecture d’un roman de C. Cusset n’est jamais monotone : passant du polar à l’humour, du passionnel à la satyre familiale, elle sait faire montre dans tous les genres d’une plume légère et précise comme un scalpel.

Avec ces Amours transversales, changement de registre, où l’innocence – et «l’adulescence» - prennent fin de diverses manières. «On m’a vu ce que vous êtes, vous serez ce que je suis» disait le vieux courtisan des Stances à marquise : assurément, C. Cusset a pris ce vers comme point de départ. Ici toutefois, et contrairement à la plupart de ses écrits précédents, elle se démarque du genre autobiographique (sinon de ses sous-entendus…), hésite entre la nouvelle et le roman (ce sont quatre récits assez courts, qui pourraient presque se lire indépendamment) mais le bonheur de la lire demeure au rendez-vous.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 15/10/2005 )
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