L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

Alexis ou le Traité du Vain Combat - (Livre-CD)
de Marguerite Yourcenar
Gallimard - Ecoutez lire 2004 /  22 €- 144.1  ffr.

3 CD – 2 heures environ
Lu par Didier Sandre
Musique originale de Marie-Jeanne Séréro


Finir par être soi

Il est des livres dont la lecture à voix haute révèle plus que l’autre, silencieuse, l’âme et le sublime. Alexis ou le Traité du Vain Combat est de ceux-là. D’abord, sans doute, parce que ce texte, un des tout premiers qu’écrivit une Marguerite Yourcenar à peine âgée de 26 ans, est une longue lettre et, «comme tout récit écrit à la première personne, […] le portrait d’une voix» (Yourcenar elle-même dans sa préface de 1963). Ensuite, parce que ces pages sont si belles que les entendre, dans la progression sereine d’une lecture, sans risquer d’en omettre le moindre mot, par un caprice de l’œil ou un défaut de notre vigilance, est la promesse de les apprécier vraiment.

Dans cette longue confession à sa femme, Alexis explique pourquoi il doit partir. Cet homosexuel qui se reconnaît enfin remonte en son histoire jusqu’à l’enfance pour y trouver les «premiers frémissements» de son être véritable. À la fois intimiste et distancié, pudique et sans retenue, le texte de Yourcenar est d’une sensibilité qui n’a d’égale que son intelligence, sa subtilité («Il ne se passa rien ou du moins, rien ne m’arriva.»).

Alexis ou le Traité du Vain Combat, 75 ans après son écriture, est incroyablement moderne, preuve que l’écrivain a touché au cœur de l’être, à sa fibre la plus vitale, celle de l’apprivoisement de soi. Jamais Alexis ne parle d’« homosexualité ». Yourcenar n’aimait pas ce mot et ce qu’il évoquait. «Comment un terme scientifique pourrait-il expliquer une vie ?», demande son héros. Toute la difficulté à se reconnaître, toute la souffrance parfois, de l’homosexuel est là, et l’était bien sûr au début du siècle dernier davantage encore.

C’est la voix de Didier Sandre qui donne vie à Alexis dans ce triple CD (environ deux heures). Et il « l’incarne » de belle manière. De temps à autre, quelques notes de violon et de piano ponctuent la lecture, respirations toujours bien choisies. Un beau moment assurément, en complément du texte imprimé (disponible en Folio), dans lequel il est toujours si profitable de se replonger parfois.

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 09/08/2004 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)