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Littératureet Romans & Nouvelles  

Portrait d'une absente
de Stéphane Jougla
Gallimard - Blanche 2005 /  11.50 €- 75.33  ffr. / 134 pages
ISBN : 2-07-077273-X
FORMAT : 14x21 cm

Identité / altérité

Portait d’une absente est le second roman de Stéphane Jougla, après L’Idée, chez Gallimard également. Ici, le romancier conte la brève histoire d’une disparition, qui est aussi une renaissance, nouvelle naissance dans la peau d’une autre.

Marie est agent immobilier à Paris et pas vraiment heureuse. Un jour, chargée par son patron d’évaluer le prix d’un appartement lyonnais, elle franchit le seuil du domicile de Madeleine, en l’absence de celle-ci. Petit à petit, subrepticement, sans réelle intention maléfique, elle se glisse dans les meubles, les vêtements, puis bientôt dans l’intimité et enfin dans la peau de Madeleine, cette mystérieuse propriétaire qui tarde à revenir…

Tout le sel de ce roman tient dans ce glissement, progressif, subtil, imperceptible, d’une identité à l’autre, d’une vie abhorrée à une existence certes rêvée, mais qui n’est pas aussi épanouissante que Marie l’avait imaginée au premier abord. Rien ne lui sera épargné : de la confrontation initiale avec ce chat inquisiteur au regard perçant jusqu’à celle avec son ancien amant, en passant par de périlleuses conversations téléphoniques, des rencontres avec les commerçants du quartier, les amis de Madeleine. Pourtant, Marie, toujours sur le point de confesser une identité chancelante, sans le vouloir vraiment, sort victorieuse de ces épreuves successives. Cette dérive identitaire finit par trouver son terme, sa résolution, sa sublimation sous le pinceau de Théo, démiurge créateur d’une femme inédite qui tient à la fois de Madeleine et Marie.

Stéphane Jougla nous offre un roman court, sobre et précis. L’auteur a usé de tout son talent pour faire accepter une intrigue qui semblait peu crédible à la lecture de la quatrième de couverture. Il a surtout su faire preuve d’une extrême finesse pour dépeindre la mue, lente, progressive de son héroïne, quittant peu à peu son propre corps pour épouser celui d’une absente, de cette belle inconnue qui lui ressemble tant, qui ressemble tant à ce qu’elle aurait souhaité être. Il sait surtout entretenir le trouble et le malaise chez son lecteur, ballotté entre incrédulité, admiration pour le cran de l’héroïne et agacement devant son outrecuidance. Impossible en tout cas de détacher les yeux de l’ouvrage avant d’en avoir lu les derniers mots.

Plus qu’un roman, Portrait d’une absente est ainsi une magnifique réflexion sur l’identité et l’altérité. Une réflexion d’autant plus belle que rien n’est dit : tout n’est qu’allusive suggestion.

Raphaël Muller
( Mis en ligne le 14/03/2005 )
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