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Littératureet Romans & Nouvelles  

Bonne nuit, doux prince
de Pierre Charras
Mercure de France 2006 /  13 €- 85.15  ffr. / 115 pages
ISBN : 2-7152-2636-5
FORMAT : 14,0cm x 20,5cm

Date de publication : 31/8/2006

L’Adieu au père

Professeur, puis acteur et romancier, Pierre Charras nous livre avec Bonne nuit, doux prince, un texte bref mais d’autant plus fort. Sans pathos, sans effets de style, dans une ligne simple et claire à la fois, il dresse un hommage au père en forme de portrait d’une vie. Le narrateur écrit au lendemain de la mort de son père : «Cet homme taciturne, qui une fois la retraite venue, parcourait les rues de la ville sans les voir, jour après jour, j’aimerais bien tout dire de lui.»

Père issu d’un milieu paysan, jumeau d’une jumelle qui mourra à douze ans ; père hanté toute sa vie par cette amputation douloureuse et l’amertume qui lui interdit à jamais d’exprimer la joie et la confiance en l’avenir, de peur que celles-ci ne soient immédiatement démenties. «Facteur Cheval obstiné du chagrin», figure du silence, jusqu'à la fin, parce qu’il maîtrise mal le langage comme la lecture, mal à l’aise avec les mots, comme avec l’expression des sentiments ; frappé en quelque sorte d’aphasie pour des raisons qui tiennent à la fois au milieu taiseux dont il est issu et à son histoire personnelle. Aphasie qui ne devait être légère que dans la force lumineuse de l’amour qui l’unit pour la vie à la jeune fille rieuse, servante d’une guinguette, la mère du narrateur. Leur rencontre évoque l’atmosphère heureuse des Renoir, père et fils.

En peu de mots, peu de pages, l’essentiel est dit : la vie laborieuse d’un petit paysan né en 1911, qui part à la ville changer de vie, sans vraiment infléchir le destin. Les deux guerres, à la fois proches et lointaines, l’entrée dans les trente glorieuses et, pour la famille du narrateur, une maigre prospérité. L’enfance heureuse dans les années cinquante, les joies du cinéma dominical en famille, places réservées à l’avance ; l’amour d’un couple et l’importance du fils unique, la mère qui chantonne en permanence, tandis que se tait le père. L’espoir que leur fils poursuivra l’ascension sociale, et la famille. Espoir en partie déçu et dont la réalisation ne peut être reconnue puisque le fils a les mots comme métier, professeur, et s’éloigne à jamais du père dans ses choix de vie. Dialogue impossible entre les deux hommes, puis avec la mère murée dans la douleur après la disparition du mari.

Un beau livre qui dit la difficulté à communiquer, et l’espoir ténu, toujours, malgré tout.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 30/08/2006 )
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