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Littératureet Romans & Nouvelles  

Faux-père
de Philippe Vilain
Grasset 2008 /  11,90 €- 77.95  ffr. / 111 pages
ISBN : 978-2-246-71731-7
FORMAT : 11,5cm x 19cm

Date de parution : 03/09/2008.

L'auteur du compte rendu : Arnaud Genon est docteur en littérature française (PhD). Professeur de Lettres Modernes, il est aussi membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS) et auteur, chez l’Harmattan, de Hervé Guibert. Vers une esthétique postmoderne (2007). Il a cofondé le site de ressources consacré à Hervé Guibert : http://herveguibert.net


De la paternité…

Dans Paris l’après-midi (2006), son dernier roman, Philippe Vilain déclarait : «depuis toujours, pour moi, la vie se donnait à lire comme un livre». Il semble aussi qu’elle se donne à vivre comme un roman et que de cette friction entre le vécu et le fictionnel naissent les autofictions, à la fois simples et exigeantes, de l’auteur.

Philippe Vilain connaît bien l’écriture de soi. Il a soutenu sa cause dans un récent essai au titre sans équivoque : Défense de Narcisse (2005). Mais surtout, depuis 1997, il écrit le roman de sa vie, évoque sa relation avec Annie Ernaux dans L’Etreinte (1997), fait le récit de l’agonie de son père alcoolique dans La Dernière année (1999), relate ses histoires d’amour dans Le Renoncement (2001), L’Eté à Dresde (2003) ou Paris l’après-midi.

Cette fois-ci, c’est à la paternité qu’il se frotte. Mais une paternité subie, qui s’impose au narrateur qui n’avait jamais songé à être père : «Cet enfant que Stefania attendait, qu’elle avait décidé seule de se faire faire, ne me concernait pas. Pouvais-je considérer ce viol comme une preuve d’amour ?»

S’engage alors une réflexion sur la manière dont un homme appréhende l’arrivée d’un enfant, plus précisément, sur le refus de ce qui pourrait bouleverser sa vie, son rapport amoureux, et tourmenterait celui qui, jusque-là, ne donnait aucun but à ses aventures et était incapable «d’engagements, de projets et de calculs». Car cette grossesse est véritablement vécue par le narrateur comme une violence : «Et je me redisais que se laisser ainsi faire un enfant n’était pas différent d’un viol, que c’était là, oui, la façon dont les femmes violent les hommes.»

Il y a d’abord la volonté d’exprimer le rejet de ce qui fait la joie, de ce qui devient le centre de la vie de l’être aimé. Mais ensuite apparaît ce que le narrateur nomme le sentiment de «résignation», d’acceptation. Il commence à «apprendre cet insolite métier de père.» Peut-être va-t-il pouvoir devenir l’adulte qu’il avait toujours refusé d’être. Cet enfant ferait-il de lui un homme, cette femme serait-elle providentielle ?

On serait tenté de citer davantage les mots de Philippe Vilain. Car ils sonnent juste, ils disent vrai. Ce touchant Faux-père se révèle être une confession romanesque, sensible et émouvante, qui exprime subtilement ce que peu d’hommes ont déjà écrit, ont déjà décrit. Ce texte à la fois fort et fragile, fort de sa fragilité, confirme l’étendue du talent de son auteur : peut-être «faux-père» mais assurément vrai écrivain.

Arnaud Genon
( Mis en ligne le 08/09/2008 )
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