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Littératureet Romans & Nouvelles  

La 4ème note
de Luc Leruth
Gallimard - Blanche 2001 /  13.74 €- 90  ffr. / 240 pages
ISBN : 2070762548

Le dernier ange

Si le grand triomphe des castrats date de l'époque baroque, la tradition a perduré en Italie jusqu'au début du XXème siècle. Il y a quelques années, le succès du film de Gérard Corbiau sur Farinelli témoignait d'une fascination réelle pour ces êtres à part, sacrifiés au profit de l'art lyrique. Aujourd'hui, Luc Leruth, un mathématicien belge qui vit actuellement aux Etats-Unis ressuscite dans son premier roman Alessandro Moreschi, le dernier castrat.

C'est en découvrant chez un brocanteur lyonnais de vieux cylindres sur lesquels Moreschi s'était lui-même enregistré que Luc Leruth décide de se lancer sur les traces de cet homme au sort lamentable mais exceptionnel. Dans ce récit écrit à la première personne, Moreschi parle de lui sans fausse pudeur : son enfance durant laquelle son père vend sa virilité, sa sexualité, son sentiment d'être un individu singulier. Orgueilleux de la place qu'il occupe mais aussi inquiet de la pureté de sa voix, il aspire à la perfection pour tenter de se rapprocher de ses illustres prédécesseurs.

L'auteur montre bien le caractère presque pathétique de ce rêve : à l'aube du XXème siècle il ne semble plus possible d'avoir une voix aussi parfaite que celle d'un Farinelli. Comme si cet art et ses secrets appartenaient déjà au passé. Les castrats ne sont d'ailleurs déjà plus à la mode auprès du grand public et ne font carrière que dans les choeurs religieux. Autour de Moreschi c'est donc un univers et un contexte particulier que l'auteur décrit : le Vatican au début du siècle dernier, un monde en pleine mutation lui aussi à l'approche de la première guerre. Trahisons et jalousies vont bon train dans les choeurs de la Sixtine : chanter pour la gloire de Dieu n'empêche pas castrats et religieux d'avoir des préoccupations prosaïques et des sentiments obscurs.

Luc Leruth fait revivre cette époque avec beaucoup de naturel et de simplicité sans négliger les détails historiques. Ce récit à la première personne ne sonne jamais faux, on a parfois l'illusion d'entendre percer la voix de Moreschi, surnommé l'ange de Rome. Le dernier ange.

Ariane Charton
( Mis en ligne le 10/08/2001 )
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