L'actualité du livre
Littératureet Essais littéraires & histoire de la littérature  

Bernard Pivot reçoit - Camus, Breton, Cocteau, Céline, Malraux, Cendrars, Mauriac, Queneau, Sartre, Vian
de Patrick Rambaud
Grasset 2001 /  13.59 €- 89.01  ffr. / 193 pages
ISBN : 2-246-62001-5

Collage acrobatique

Le roi Pivot s’en va. L’homme compte déjà plusieurs fausses sorties à son actif, mais cette fois-ci il semble bien que ce soit la bonne. Le moment était donc idéalement choisi pour rééditer cet étonnant petit ouvrage (Balland, 1989), où Patrick Rambaud se plaît à imaginer deux soirées de l’émission Apostrophes… qui n’auraient jamais pu avoir lieu. Car un des seuls reproches que l’on puisse faire à Bernard Pivot est sans conteste d’être arrivé trop tard.

Exit les géants de la littérature, que l’on écoutait comme des maîtres à penser : société de la consommation et de l’image aidant, ils ont laissé la place à quantité d’auteurs, sans qu’aucun ne puisse pour l’instant prétendre au rayonnement majeur de l’astre littéraire absolu, du "Grand Ecrivain authentique" (majuscules de rigueur). Patrick Rambaud exprime d’ailleurs quelques malicieux doutes, quant à la possibilité de voir l’avenir désigner les héritiers de tous les mastodontes qu’il met en scène : "Comprenez : ils écrivaient leurs livres eux-mêmes, ils avaient donc des idées plus précises de leur travail et de la littérature que bien des invités d’Apostrophes et de Bouillon de culture".

Le reste est affaire de montage : 90% des propos des invités imaginaires ont réellement été écrits ou tenus par eux. La pirouette est réussie : l’ensemble glisse à la lecture comme s’il s’agissait de conversations réelles, sous la houlette d’un Pivot aux "indications de jeu" finement observées : faussement naïf, emmêlé dans ses fiches, ou prenant l’auditoire à témoin… A peine sent-on poindre la caricature et les inclinations de Patrick Rambaud : on retiendra surtout, avec un vague étonnement, un André Breton pontifiant et grotesque s’opposant à un Céline finalement très fréquentable, dont la seule conviction aurait été l’éternelle urgence de provoquer.

Jaillit de cette lecture rafraîchissante un florilège de citations à méditer par tous les amoureux de la littérature, comme celle-ci, empruntée à François Mauriac : "Ils veulent faire du roman un genre mineur. Grands dieux ! Existe-t-il au monde un idiot pour croire que le genre littéraire illustré par Cervantès et par Tolstoï, par Dostoïevski et par Dickens, par Balzac et par Proust, est un art mineur ?"


Isabelle Nouvel
( Mis en ligne le 29/06/2001 )
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