L'actualité du livre
Littératureet Littérature Américaine  

Mailman
de J. Robert Lennon
Monsieur Toussaint Louverture 2014 /  23 €- 150.65  ffr. / 672 pages
ISBN : 979-10-90724-08-2

Marie Chabin (Traduction)

Portrait d’un looser loufoque

Né en 1970, John Robert Lennon est un romancier américain dont Mailman (2003) est le quatrième roman, inédit en français. Fidèles à leur politique éditoriale qui a pour ambition de diffuser en France des auteurs américains inconnus ou très peu connus, les éditions Monsieur Toussaint Louverture le publient. Fidèles aussi à cette galerie de héros - tragiques dans leur médiocrité et leur talent à rechercher l’échec - ouverte par Karoo, le personnage du roman éponyme de Steve Tesich.

La première phrase du premier chapitre sobrement intitulé ''Un facteur américain'' donne le ton : «Et Dieu, à ce qu’on raconte, créa la Terre. Au commencement, pas vraiment de quoi crier au génie : une nébuleuse de vapeur grise, avec quelques vagues traînées de boue sur une surface informe. Une toile vierge. Dieu l’examina, décida que cela ferait l’affaire et se lança dans les détails».

Albert Lippincot, quinquagénaire, n’a pas toujours été «Mailman» (facteur) : jeune, il poursuivait des études de physique et son avenir semblait tracé, jusqu’au moment où, révisant en bibliothèque, il fut pris d’une vision éblouissante qui changea radicalement le cours de sa vie. Dès lors, il ne pourrait jamais plus voir le monde avec les yeux des autres. Il abandonna aussi ses projets universitaires pour finalement devenir facteur. Désormais aussi, il voit résolument le monde à partir des détails…

Arthur est un facteur qui rêve la vie des autres en prélevant les courriers qu’il lit avant de les remettre à leurs destinataires au terme d’un temps plus ou moins long… sans mesurer les catastrophes qu’il peut ainsi déclencher. Toujours à côté de ce qui se passe, il mène une vie le plus souvent solitaire, subissant son destin, malheureux en amour, au hasard de rencontres improbables, entretenant des liens distendus avec sa famille, parents, sœur…

Son errance le mène jusqu’au Kazakhstan dans les Corps de la Paix, mais pour l’essentiel le roman se passe aux États-Unis, de New York à la Floride. Arthur trouve une stabilité précaire dans son métier de facteur... mais tout se dérègle… et échappe à son contrôle incertain.

Tout au long du récit, Arthur ne cesse de chercher des solutions complexes et impraticables aux problèmes qu’il rencontre, et inévitablement s’enferre dans des situations de plus en plus inextricables, répétitions qui créent un double effet comique et tragique. Le roman de John Robert Lennon est ainsi drôle et tragique à la fois. On peut le lire comme l’aventure désespérée d’un homme qui tente de vivre malgré tout, mais aussi comme un portrait d’une Amérique déboussolée, violente, aussi névrosée qu’Arthur.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 18/06/2014 )
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