L'actualité du livre
Littératureet Poches  

La Longue route de sable
de Pier Paolo Pasolini
Arléa - Poche 2014 /  7 €- 45.85  ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-36308-077-6
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Anne Bourguignon (Traduction)

La côte en voiture

Cinéaste, écrivain, journaliste, Pasolini (1922-1975) est une figure centrale de la littérature et du cinéma italiens modernes. L’Evangile selon Saint Mathieu (1964), Théorème (1968), Salò ou les 120 Journées de Sodome (1975) pour le cinéma ; Écrits corsaires, Descriptions de descriptions, Lettres luthériennes (dates posthumes) pour la littérature ; Pasolini fut un intellectuel engagé et sulfureux dont l’œuvre (exigeante et controversée) reste à découvrir absolument.

La Longue route de sable est un court récit de voyage qui montre un Pasolini touriste, solitaire et contemplatif. Dans la torpeur de l’été 1959, il parcourt les côtes méditerranéenne et adriatique, passant par San Remo, Gênes, Viareggio, Naples, Capri, Venise, Trieste, pour contempler la nature et la richesse culturelle de ces régions, de son pays. C'était son habitude de sortir seul et de se balader en voiture à la recherche de son destin (un destin tragique puisqu'il est mort ainsi, au bout d'une course mystérieuse en voiture, massacré sur une plage en novembre 1975, par une ou plusieurs personnes).

Comme pour tout grand écrivain, le lecteur est sensible au style qui permet de rendre compte d'un état d’esprit, une situation, une évocation, un souvenir, une rencontre. En se baladant seul, promeneur motorisé, Pier Paolo contemple de sa vitre ouverte ces villes balnéaires, ces plages illustres, ces corps trempés, ces habitations isolées, ces chemins de traverses, ces paysans étonnés, puis quelques amis entraperçus, tels Moravia ou Edmonda Aldini tout juste esquissés.

L’évocation succincte est de rigueur donc, panorama imagé tel un travelling continu sur un plan séquence réaliste ; ce récit de voyage ne trahit pas les codes du genre. A notre époque du «tout à l’image», c’est au lecteur de se représenter les descriptions de Pasolini afin de comprendre les enjeux littéraires et les «véritables» émotions du Vivant. On imagine cet homme de 37 ans, seul dans sa voiture en plein été torride, roulant, croisant des visages, voulant toucher des corps, s’émerveillant devant des monuments, observant la nature, rencontrant brièvement des inconnus (souvent, il confie vivre les plus beaux instants de sa vie, à l'occasion de ces moments a priori banals).

Le récit de voyage est un genre qui a sa force et ses limites. En effet, le lecteur doit faire travailler son imagination, saisir le style sensible et précis du narrateur, pour visionner au mieux les éléments importants aux yeux d’un conducteur placé dans un lieu et une époque qui sont désormais bien lointains, voire inconnus. D’où parfois l’impression de lire une succession de descriptions ou de remarques qui s’enchaînent sans trop de cohérence.

Mais Pasolini dépasse cette impression fugace en disant dans ces lignes qui il est au fond de lui-même : un artiste intransigeant et un implacable amoureux des belles plages... où il finira dramatiquement sa vie.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 19/01/2015 )
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