L'actualité du livre
Littératureet Poches  

La Beauté des loutres
de Hubert Mingarelli
Seuil - Points 2004 /  5.50 €- 36.03  ffr. / 171 pages
ISBN :  2-02-063950-5
FORMAT : 11x18 cm

La magie du rien

En 2000, un romancier discret, venu se faufiler dans la cohorte innombrable et bruyante des écrivains de la rentrée, faisait entendre une voix singulière. C'était La Dernière Neige, magnifique récit sur les rapports - tacites, à fleur de silence - entre un jeune homme et son père âgé et malade, partageant la même fascination pour un milan. Mingarelli montrait quel parti romanesque on pouvait tirer d'un symbole, sans jamais cependant tomber dans les travers et les lourdeurs de la littérature symbolique.

La Beauté des loutres s'inscrit en droite ligne de cette esthétique. On y retrouve les mêmes thèmes : la relation fils-père qui connaît ici une légère variante, l'histoire mettant aux prises Vito avec Horacio dont il est le jeune aide ; le même amour pour un animal - la loutre - qui, vaut aussi bien comme symbole pour les personnages que pour le lecteur (un symbole que Mingarelli se garde bien de préciser, comme pour laisser à l'imaginaire tout son champ de possibilités) ; le désoeuvrement des hommes confrontés à la vacuité de leur existence, mais aussi à l'absolu, plongés qu'ils sont dans un univers parfaitement blanc, une immense solitude de neige.

Si précédemment la neige faisait fonction de cadre, elle tend ici à devenir le personnage principal. Tout, ou presque, tourne désormais autour d’elle : les activités des hommes, leurs expédients, leurs plaisanteries. Et ce sera encore elle qui, muée en une soudaine tempête, menacera à la fin l'équipée de Vito et Horacio partis livrer en camion une douzaine de moutons, autre animal dont la puissance symbolique s'est considérablement affaiblie, à l'image des consciences qui peinent ici à se dégager de leur torpeur.

On l'aura compris, La Beauté des loutres marque encore un pas sur l'échelle du minimalisme et du rétrécissement de l'espace mental des humains qui ne sont peut-être guère plus, comme le dit Horacio, que "des pauvres gars qui ont jamais vu de loutres qu'en photographie".

Thomas Regnier
( Mis en ligne le 13/10/2004 )
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