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Littératureet Policier & suspense  

Pince-mi et Pince-moi
de Ruth Rendell
Calmann-Lévy - Suspense 2003 /  20.99 €- 137.48  ffr. / 420 pages
ISBN : 2-7021-3359-2

Pince-mi et Pince-moi

Ruth Rendell est une femme d’expérience, une sorte de chef cuisinier multi-étoilé de la littérature policière. À la manière dont elle servirait un repas d’exception, qui, de l’entrée jusqu’au dessert, serait parfait, harmonieux et cohérent, Rendell donne à déguster une intrigue consistante, dont on ne démord pas jusqu’à la dernière page. Quel est le rapport entre une vieille fille bourrée de TOC (troubles obsessionnels compulsifs) qui parle aux fantômes, une arriviste pas assez performante pour y arriver, flanquée qui plus est de deux gamins insupportables, une banquière aussi brillante que naïve, un parlementaire conservateur qui s’efforce de cacher ses préférences homosexuelles, un pauvre anorexique et sa femme obèse qui s’aiment d’amour fou, et un lieutenant de police taraudé d’éthique et de religion? A priori aucun, si ce n’est que les destinées de chacun vont se croiser à cause (ou grâce, c’est selon) d’un beau gosse mi-escroc, mi-gigolo, qui consomme les femmes comme d’autres les bonbons.

Si le suspense est secondaire (on sait vite qui est tué et par qui), c’est plutôt le bonheur de voir comment dame Rendell va nous conduire vers le dénouement attendu qui prime dans Pince-mi et Pince-moi. Tranquillement, sans se presser, la romancière entraîne son lecteur derrière elle, s’autorisant une impressionnante galerie de personnages – ici, premiers, seconds, voire troisièmes rôles foisonnent – et un luxe de détails sur cette ambiance londonienne toute particulière – entre Nothing Hill et Harrow Road. L’écriture est nette, précise, utilitaire : Rendell sert avant tout son intrigue, qu’elle ne perd jamais de vue. Bref, l’opus est brillant, calibré, efficace.

Pourtant, on aurait aimé, au fil des pages, un peu plus de piquant, de saveurs interdites et d’ivresse. Car on sent bien que parfois, eu égard à sa « puissance » et au confort de sa position sociale (elle a été nommée membre de la Chambre des lords par Tony Blair en 1997), la romancière se refuse aux imprévus que son écriture pourrait lui inspirer si elle poussait plus loin son étude de caractères… On la perçoit toujours au bord des précipices de l’âme humaine, mais jamais prête à faire le grand plongeon. Dommage, car tout grand chef doit, un jour, prendre le risque d’innover…

Caroline Bee
( Mis en ligne le 04/03/2003 )
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