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Littératureet   

La Bête qui meurt
de Philip Roth
Gallimard - Folio 2006 /  5.90 €- 38.65  ffr. / 215 pages
ISBN : 2-07-032985-2
FORMAT : 11x18 cm

The Dying Animal (2001).

Première publication française en septembre 2004 (Gallimard - Du Monde Entier).

Traduit de l'américain par Josée Kamoun.


La Chose

Est-on jamais déçu par un roman de Philip Roth ? Si l’on comprend que chaque œuvre poursuit sur le mode romanesque l’évocation d’une vie et d’un morceau d’histoire américaine, alors, tout nouvel opus n’est qu’un plaisir poursuivi.

La Bête qui meurt est un roman moins ample que son prédécesseur, La Tache. Une grosse centaine de pages y narrent les états d’âme d’un professeur de lettres à la retraite, que ses six décennies passées n’empêchent pas de se maintenir dans une santé sexuelle à vrai dire impressionnante. C’est que ce vieux satyre, tout auréolé de sa réputation littéraire, sommité dans le microcosme de la culture new-yorkaise, a trouvé, dans l’université libérée par la révolution sexuelle des années soixante, le vivier parfait pour satisfaire sa libido : des générations de jeunes étudiantes en quête d’un père spirituel… moyennant quelques nourritures plus franchement terrestres ! Les pages consacrées à l’évocation des sweet sixties sont en la matière incontournables : nouveau pied de nez à l’Amérique puritaine et bien pensante. «Sauver les jeunes du sexe, telle est l’éternelle histoire de l’Amérique. Sauf qu’il est toujours trop tard, puisqu’ils sont déjà nés.» (p.60)

La Bête qui meurt évoque aussi et ainsi la chute entropique d’un homme à femmes, d’autant plus obsédé par la Chose, expression la plus brutale de la vie, qu’il sent peut-être celle-ci commencer son inévitable traîtrise. Sans doute la raison pour laquelle il s’attache plus qu’avec d’autres à Consuela Castillo, étudiante d’origine cubaine, aux seins dramatiques, immédiate, charnelle. Comme Michelet, il se plait à regarder la belle perdre son sang tous les mois et s’applique à sa libération sexuelle, tout en assurant sa propre constance libidineuse. Car le danger est-là : Consuela sera-t-elle la dernière ? D’où un autre danger pour un homme qui n’a jamais voulu se lier à une femme, ni tomber dans la piège de l’amour : tomber pour de bon, cette fois-ci…

«On aura beau tout savoir, tout manigancer, tout organiser, tout manipuler, penser à tout, le sexe nous déborde.» (p.39) Philip Roth continue ici ses considérations sur la différences des sexes. Sourd à l’identité féminine, il cultive l’incompréhension en affichant fièrement la prestance du Mâle. Ne soyons pas hypocrite, nous demande-t-il, les hommes ont trop de besoins sexuels pour s’amarrer ad vitam à une seule femme !... La pornographie comme vice inhérent à la condition masculine ?... Ne reproche-t-il pas plutôt aux femmes de s’attarder à des réflexes sociaux, qu’il dit puérils : fidélité, famille, enfants ?... Le narrateur a choisi la liberté et une solitude peuplée de croupes plus ou moins anonymes. Alors, il ne peut pas tomber amoureux. N’est-ce pas ?...

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 25/02/2006 )
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