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Littératureet   

Bombay parade
de Yves Charpentier
Fayard 2005 /  18 €- 117.9  ffr. / 326 pages
ISBN : 2-213-62451-8
FORMAT : 13,5x21,5 cm

On n’en sort jamais

Louis est photographe, en province. Photographe des corps mutilés et de la souillure. Il se dit aussi photographe de faits-divers. Ou artiste raté, selon son humeur, le plus souvent noire comme le goudron où il réalise ses plus belles oeuvres. Accro à la mort, retranché derrière son objectif, Louis «colle des images pour mettre la vie à distance».

Comment un tel individu, qui a choisit de subsister en périphérie de ses semblables, se retrouve-t-il à bercer le dieu Ganesh, à l’arrière d’un taxi, en Inde, pays de l’exubérance et du mouvement par excellence ? Pour une femme, bien sûr. Sa femme.

Reste que cette quête, peut-être parce que faussée dès le départ, commence mal. Offensés, les dieux, «un pour chaque jour», semblent se liguer contre l’étranger pour le perdre sur de mauvaises pistes : ruelles fétides, mafieux locaux, sectes tantriques.
Alors que, jusque-là, il se complaisait dans son rôle de spectateur, Louis, enfant inadapté aux jeux des adultes, est projeté dans la vie. Et quelle vie ! Celle d’une métropole abominablement fascinante. Bombay la pestilentielle, Bombay la colorée. Capitale des chants et de la dévotion. Matrice de tous les trafics et toutes les déchéances. Bombay ou «une vie proliférante qui transperce tout, la mort, le béton, la boue».

Errance amoureuse, voyage initiatique jusqu’à l’extrémité de la péninsule indienne et choc de la conscience : Yves Charpentier reprend des thèmes maintes fois exploités. Jusqu’à sa galerie de personnages secondaires aussi caricaturaux que prévisibles. Rien d’original, donc. Si ce n’est le style. Féroce et jubilatoire. Ici, pas de fastidieuses descriptions, mais une vague ininterrompue de phrases courtes et claquantes. Les mots s’entrechoquent, se bousculent. A l’image de ces mantras que se répètent les croyants jusqu’à l’extase mystique, Yves Charpentier nous immerge dans sa transe poétique. Et, emporté par ce flot de couleurs, d’odeurs, de beauté et de violence si intimement mêlées, on pardonne les quelques longueurs du récit. Tous les sens saturés, on se retrouve sur les bords du Gange pour accompagner Louis vers sa naissance fantasmagorique.

Stéphanie Scaringella
( Mis en ligne le 16/09/2005 )
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