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Littératureet   

Le Pays
de Marie Darrieussecq
Gallimard - Folio 2007 /  5.60 €- 36.68  ffr. / 247 pages
ISBN : 978-2-07-034704-9
FORMAT : 11x18 cm

Première publication en août 2005 (P.O.L.)

[NAT-]

Au long de ce récit drôle et tendre, faussement polyphonique, Marie Darrieussecq alterne la narration d'une femme et celle évoquant le chemin de la même héroïne, sorte de focalisation faussement dédoublée où le «je», en gras, succède au «elle». La narratrice dit «J/e», comme il nous est expliqué... Ce qui donne un texte couleur de zèbre, un rythme aussi, et l'idée que «je» est un autre...

Un alter ego pris entre plusieurs identités, plusieurs frontières, états, époques. Entre le Paris d'adoption et le Pays de naissance, ce mystérieux Pays Youangui lové à des latitudes Basques entre la France et l'Espagne, un fantasme génétique d'où l'héroïne tirerait sa sève, son encre et, finalement, où elle revient enfanter : une petite fille au nom évocateur d'Epiphanie... Entre les souvenirs, l'enfance et l'épanouissement parisien dans l'âge adulte, entre cet âge adulte et la maturité du retour au bercail.

Roman génétique, Le Pays décline au féminin les mots en [nat-] : nation, nativité, mais aussi natation, l'eau qui porte la mère, la chaleur amniotique de l'eau placentaire, cette eau des bords du pays Youangui, chauffée innocemment par une centrale toute proche. [Nat-] comme nature, enfin... «Mais le sol, c'est aussi le lieu au-dessus duquel s'ouvre l'utérus des femmes.». Il est question de naissance, celle de la fille dont la narratrice nous dit la gestation donc, mais aussi de la genèse littéraire, car le roman se raconte dans sa construction : «Ce roman que j'avais en tête, j'étais incapable de m'y mettre. Mais ce n'était pas grave. Les livres viennent. [...] L'attente est l'état originel de l'écriture ; l'atermoiement, son lieu de naissance.»

Retour à la naissance par une réflexion sur la langue maternelle... Retour à la naissance par l'exhumation électronique des morts qui, dans ce pays Youangui, peuvent revenir parler aux vivants sous forme holographique, construits et embellis du souvenir de ceux qui restent... Ainsi du petit frère de l'héroïne, mort trop tôt, beaucoup trop tôt, et dont le fantôme électronique peine à trouver sa forme dans le silence familial : «Moi je crois que c'est juste une histoire de famille, la même pour tout le monde : mort, secret, silence, et la vie qui pousse là-dessus comme une tubéreuse.»

Un roman génétique et assez génial donc, riche, dense, mais aussi léger, féminin pour ce qu'il a de maternel et de subtil...

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 03/09/2007 )
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