Littérature
de David Malouf
Albin Michel 2013 / 17.50 €- 114.63 ffr. / 210 pages
ISBN : 978-2-226-24981-4
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm
Nadine Gassie (Traducteur)
Réécrire Homère ?
En 1943, à Brisbane, une institutrice lit à ses élèves l’histoire de la guerre de Troie. Soixante-dix ans plus tard, David Malouf toujours «anéanti» par cette histoire entendue sur les bancs de l’école, nous offre son écriture de l’un des épisodes de l’Iliade.
Achille, bouleversé par la mort de son ami Patrocle, tue Hector avant de traîner le corps de ce dernier derrière son char sous les remparts de Troie assiégée. Malgré l’avis de ses fils, son père, le roi Priam, décide d’aller jusqu’au camp des Grecs récupérer la dépouille de son fils, faisant le pari qu’Achille, «ce loup, ce violeur de toute loi humaine et divine, reçoive le cadeau [qu’il] lui offre et agisse en homme».
Priam quitte Troie. Il abandonne son écurie qui «fait l’envie de tous les princes» pour une simple charrette «attelée à des mules». Son héraut sera Somax, un simple charretier. Entre les deux hommes, se noue une relation simple et humble qui débarrasse le roi Priam de ses derniers attributs. Hermès, sous les traits d’un adolescent nonchalant et un peu insolent, guide leurs pas vers Achille et le corps d’Hector.
Ni réécriture, ni réinterprétation, le récit de David Malouf se glisse entre les mots d’Homère, dans les silences de l’histoire, des faits, des événements, des sentiments que le poète grec a tus ou presque tus : «comment le temps d’une journée, Somax, simple charretier, est devenu le héraut troyen Idée et le compagnon de route de Priam dans son expédition jusqu’au camp grec apparaît pour les premières fois dans les pages de ce livre». L’écrivain australien écrit ainsi sa propre Iliade, une histoire dans laquelle les Dieux deviennent des personnes secondaires, offrant toute leur place au théâtre des hommes.
Priam entre dans la tente d’Achille : «Il venait ici pour s’agenouiller aux pieds d’Achille. Or c’est le grand Achille maintenant que voilà agenouillé aux siens. N’importe, le moment est arrivé. Il faut continuer». La rencontre entre cet ami meurtri et ce père terrassé par la douleur est magnifiquement décrite par David Malouf.
Il a su emprunter à Homère son histoire et son style pour les transformer étonnamment en un récit moderne. La poésie seule demeure : à la fois lyrique et humble, l’écriture de David Malouf parvient à mêler habilement le souffle de l’épopée et la grâce des drames intimes qui se jouent alors dans les cœurs d’Achille et de Priam.
Grégory Prémon
( Mis en ligne le 30/10/2013 )
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