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Littératureet Rentrée Littéraire 2021  

Un loup pour l'homme
de Brigitte Giraud
Flammarion 2017 /  19 €- 124.45  ffr. / 250 pages
ISBN : 978-2-08-138916-8
FORMAT : 13,7 cm × 21,0 cm

20 ans à Sidi-Bel-Abbès

Nulle part mieux qu’en Algérie le célèbre adage de Thomas Hobbes n'aura été peut-être vrai, durant la guerre qui a ensanglanté le pays, des années cinquante jusqu’en 1962 et l’indépendance. En trois grandes parties, l’auteure, née à Sidi-Bel-Abbès, nous livre l’histoire d’Antoine, jeune appelé du contingent.

Mars 1960 : l’Algérie est encore française et de nombreux militaires y sont envoyés pour pacifier le pays et restaurer une paix troublée par la révolte qui gronde, portée par tout un peuple bien décidé à faire partir les colonisateurs. Ensuite, c’est bien une guerre qui se déclenche et les appelés français prennent le bateau pour rejoindre l’autre rive de la Méditerranée. Antoine doit partir effectuer son service militaire, laissant à Lyon sa jeune épouse enceinte. «C’est aussi cela l’armée, faire ce qu’on vous ordonne».

Comme il refuse la violence des combats, Antoine accomplit ses obligations militaires en tant qu’infirmier à l’hôpital de Sidi-Bel-Abbès, confronté à la souffrance physique et à la douleur morale de jeunes qui n’étaient pas du tout préparés à endurer l’horreur de la guerre. La vie quotidienne du personnel hospitalier est dure, malgré quelques escapades à la mer et des promenades en ville, au début, pour croire qu’une vie normale est possible : Lila vient vivre avec Antoine et accouche sur place.

Au fil des mois, l’angoisse monte et les tensions s’exacerbent en même temps que les opérations de rues, les attentats et les provocations des fellaghas. Antoine s’attache à un jeune amputé de la jambe droite qui est là en convalescence et qui ne veut pas repartir chez lui en France, de peur d’être rejeté par sa promise à qui il n’a rien dit. Il refuse de parler mais se confie en secret à Antoine, une grande affection mutuelle naît.

L’auteure dessine un pan important de notre histoire à travers le destin de jeunes soldats envoyés malgré eux dans cette grande boucherie ; ils en reviendront, s’ils ne sont pas tués pendant les combats, traumatisés pour la vie. «Antoine entend ce qui se dit dans les couloirs, ce qu’il capte à la radio au secrétariat de l’hôpital entre deux services. Il sent que le danger grandit, que les rebelles gagnent dans l’opinion auprès des musulmans». La mort rôde, de plus en plus proche, l’armée avance à l’aveugle, déstabilisée par les révoltes des Algériens.

Brigitte Giraud a le sens du détail, elle dévoile l’intériorité des personnages par des gestes simples et quotidiens. Il reste après la lecture de ce récit des images précises d’instants de vie. L'auteure met en lumière avec une grande simplicité des sentiments troubles et confus qui ponctuent l’existence. Elle a une grande tendresse pour cette ville, ses lumières dorées, ses orangers et l’ombre des palmiers sur les murs. Cela donne un beau roman solaire, malgré le sérieux du sujet.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 28/08/2017 )
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