L'actualité du livre
Beaux arts / Beaux livreset Architecture & Design  

Frank Lloyd Wright
de Robert McCarter
Phaidon 2002 /  90 €- 589.5  ffr. / 368 pages
ISBN : 0-7148-9313-7

Mesure de l’Amérique

Frank Lloyd Wright, un des plus fameux architectes de la première moitié du XXe siècle, est surtout connu en France pour deux oeuvres majeures qui résument à elles seules le parcours et les partis pris de cet Américain hors du commun : la maison Edgar Kaufmann bâtie sur une cascade (Fallingwater - 1935) et le musée Guggenheim de New York (1956). Cette puissante monographie que lui consacre Robert McCarter s’inscrit dans la continuité éditoriale des éditions Phaidon qui toujours a ouvert une part importante de son catalogue à l’architecture.

L’oeuvre de Frank Lloyd Wright ne peut être dissociée des mythes fondateurs et de l’histoire des Etats-Unis. Né en 1867, deux ans après la fin de la guerre de Sécession, le futur architecte connaît une enfance marquée par la matérialisation finale du paradigme de la Frontière (appropriation des grandes plaines centrales des Etats-Unis, délaissées lors de la ruée vers la Californie et construction des grandes lignes de chemin de fer est-ouest). Logiquement, l’architecture de Frank Lloyd Wright sera tendanciellement une tentative d’appropriation de la nature et d’osmose avec le donné minéral, végétal et énergique. Sans surprise, Henry Thoreau, l’auteur de Walden ou la vie dans les bois, occupe ainsi une place de premier plan dans son panthéon littéraire et philosophique. De même, l’Art Nouveau et ses corollaires symboliques et oniriques influenceront fortement Wright, notamment du point de vue décoratif. Cela contribuera à renforcer le caractère animé de ses édifices.

Plus que toute autre construction, Fallingwater illustre cette approche du milieu. La force des lignes horizontales qui structurent l’habitat comme un tableau de Mondrian, contribue à plaquer littéralement la superstructure de la maison sur le flot grondant de la cascade qui l’anime, comme les vaisseaux qui apportent vie aux cellules de l’organisme. Cette préoccupation permanente de Frank Lloyd Wright est manifeste dans toutes ses oeuvres qui, par la vertu des ouvertures, des cloisons, des étages, et des matériaux, donnent naissance à des interactions fascinantes avec les quatre éléments.

Réduire les travaux de Wright à la seule recherche d’un dialogue entre le milieu et le construit serait toutefois caricatural, même si la perfection de cette démarche intime l’admiration. En effet, l’architecte américain a su également bâtir les premiers échelons menant à la Nouvelle Frontière, dont Kennedy donnera l’horizon ultime plus tard, et qui conduit cette fois-ci les Américains à partir à la conquête de la troisième dimension : la verticalité. Les champs d’application naturels de cette démarche sont les espaces urbains pour lesquels Wright élaborera des projets d’une rare audace, privilégiant désormais la courbe à la ligne. Le musée Guggenheim de New York résume admirablement l’intégration de cette nouvelle problématique dans la créativité de Wright. Le parcours muséographique en spirale qui permet d’égrener les peintures de la collection sans rupture de parcours, tout en respectant l’impératif d’une construction verticale, est une réponse géniale aux défis urbains des métropoles contemporaines.

La somme de Robert McCarter est une superbe introduction à l’oeuvre de Frank Lloyd Wright. Le lecteur y trouvera de quoi donner une forte consistance au Rêve Américain, conquérant et fondateur.

Guillaume Zeller
( Mis en ligne le 11/02/2003 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)