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Le Regard engagé - Mémoires d'un franc-tireur de l'image
de Gérald Bloncourt, et Boris Dänzer-Kantof
Bourin Editeur 2004 /  20 €- 131  ffr. / 255 pages
ISBN : 2-84941-006-3
FORMAT : 14x22 cm

L'auteur du compte rendu: Marion Perceval a suivi les cours de premier et de deuxième cycles de l'Ecole du Louvre (option histoire de la photographie). Elle prépare actuellement un DEA d'histoire des techniques sur Alphonse Davanne, un chimiste-photographe qui tenta de vulgariser la pratique photo à la fin du XIXe siècle.


Une écriture photographique

Français de naissance, haïtien d’adoption (il y passe toute son enfance), Bloncourt a très jeune cherché un médium lui permettant de s’exprimer, de dire ses révoltes. Membre fondateur du parti communiste haïtien et d’un organe de presse bientôt interdit par les autorités, l’écriture des Surréalistes, qu’il va rencontrer pendant la Seconde Guerre mondiale, retiendra son attention. Cependant c’est la photographie qu’il va utiliser comme moyen de combat. Il sera photographe de presse, d’abord dans des journaux d’obédiance communiste - L’Humanité et L’Avant-garde - puis en tant qu’indépendant. Les thèmes qu’il va traiter et l’angle qu’il choisira resteront pourtant très marqués à gauche.

Il sera de toutes les révolutions, de tous les soulèvements d’après-guerre : les révoltes haïtiennes, Mai 68 à Paris, la révolution des Oeillets à Lisbonne, les combats du Front Polisario au Sahara occidental... Il dénoncera les conditions de vie déplorables dans les bidonvilles de la banlieue parisienne au début des années 60, de même qu’il couvrira les luttes pour l’indépendance algérienne à Paris. Ses images publiées dans l’Humanité deviennent plus que des témoins mais se révèlent être le centre de la lutte, la preuve tangible que le combat n’est pas vain et qu’il faut le continuer tant que de telles situations existent.

Après-guerre, la photographie devient le médium de propagande par excellence. On la retouche, on la monte afin de lui donner plus de force ou plus de “vérité“. Bloncourt tentera de s’élever contre ces pratiques et aussi de faire reconnaître par les journalistes l’importance de la photographie et de son auteur. On parle du communisme, dont Bloncourt est un membre actif, on peut très bien imaginer des pratiques similaires dans tous les organes de presse, encore actuellement peut-être...

Le communisme y est abordé autant dans ses travers que dans ses intentions les plus louables. Bloncourt voyage dans les nouveaux pays dirigés par l’idéologie, ouvrant les yeux petit à petit sur les atrocités déjà commises. Cette prise de conscience est tangible, nous en sommes témoins au fil du récit. Les doutes qui s’insinuent, la confiance et l’espoir qui reprend le dessus, et puis l’évidence.

Trés tôt conscient de la force d’une photographie, Gérald Bloncourt va s’efforcer d’utiliser les armes propres à l’image argentique. Le cadrage en particulier coupe dans le réel, il prélève l’Histoire ou l’historique par l’intermédiaire de la vie des petites gens qui font les événements. Si le genre de l’autobiographie reste convenu et le style parfois empesé - mais après tout, c’est un homme de l’image -, les anecdotes dont il ponctue son récit deviennent passionnantes car recontextualisées. Il n’est jamais meilleur que lorsqu'il aborde les problèmes sociaux et des simples gens, au contraire de ses quelques incursions chez les “people“, Picasso ou Aragon.

Marion Perceval
( Mis en ligne le 09/08/2004 )
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