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Vivre à Paris de la Restauration à la Belle Epoque
de Philippe Mellot
Omnibus 2012 /  39 €- 255.45  ffr. / 290 pages
ISBN : 978-2-258-09500-7
FORMAT : 24,1 cm × 30,0 cm

L’auteur du compte rendu : agrégée d’histoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur honoraire de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié L’Histoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à l’historiographie (Flammarion, 2002).

Badaud dans le Paris du XIXe siècle

Admirable connaisseur de Paris et de son histoire, Philippe Mellot est aussi un infatigable dénicheur de raretés, de curiosités, aussi bien dans les écrits que pour les documents iconographiques. Il poursuit depuis déjà plusieurs ouvrages une œuvre sur la vie des Parisiens, dans ses aspects souvent les moins connus. Après La Vie secrète de Montmartre, La Vie secrète du Quartier latin, Le Livre d’or des petites gens, des mauvais garçons et des filles de joie, entre autres, c’est à des promenades dans le Paris du XIXe siècle qu’il invite son lecteur, à la suite de guides de l’époque, célèbres ou totalement oubliés…

La partie la plus étonnante du livre est en fin d’ouvrage : c’est un atlas en couleurs des vingt arrondissements de Paris entre 1863 et 1870 ; l’auteur en est inconnu : «Vraisemblablement topographe à la ville de Paris, l’auteur anonyme de ce travail proposait sur des plans, sans doute exécutés en 1862, le tracé des nouvelles voies et la modification du nom des rues nouvellement rebaptisées(…)». Un travail déniché par Philippe Mellot, qui le présente ici pour la première fois, et qui est une mine de renseignements sur ces années cruciales de la période haussmannienne. Arrondissement par arrondissement, le lecteur curieux retrouve un Paris disparu, aux espaces encore vides pour les arrondissements extérieurs qui viennent d’être intégrés.

Deux chapitres le précèdent : ''Paris et les Parisiens'' et ''A travers Paris''. Dans le premier, on découvre à la suite d’auteurs du XIXe siècle un parisien, éternel badaud, qui met son point d’honneur à ne s’étonner de rien. Un texte peu connu de Balzac, écrit en 1845, fait revivre les petits métiers, la ravaudeuse logée dans un tonneau, l’allumeur de réverbères, le marronniste ou encore le décrotteur qui peuplaient les rues de Paris au début du XIXe siècle et tant d’autres aujourd’hui oubliés, dont l’auteur annonçait à juste titre la disparition au profit de la «boutique», tandis qu’il déplorait dans le même élan l’alourdissement du coût de la vie. Une ville nouvelle nait avec les travaux d’Haussmann, les vieilles maisons et quartiers disparaissent, mais Paris reste ville de mode, qui donne les tendances au monde…

La seconde partie mène le lecteur de la barrière du Trône à la barrière de l’Etoile : un voyage en omnibus en 1830. Avec l’auteur, Ernest Fouinet, on s’intéresse à la foule disparate des habitués de l’omnibus, à la femme délicate vêtue de mousseline pâle qui monte à la Porte saint Martin pour descendre rue de la Ferme, après avoir fait rêver son voisin. «Omnibus veut dire à tous»… Philippe Mellot s’arrête sur des quartiers aujourd’hui totalement modifiés : l’île de la Cité, Montmartre ; des industries disparues à jamais : celles installées au bord de la Seine, «ravouilleux, tafouilleux, déchireurs, hâleurs, sabliers, lavandières…» ; une rivière enfouie qui naguère coulait à l’air libre : la Bièvre (avec un texte de 1890 de Joris Karl Huysmans), mais aussi de nouveaux quartiers : les boulevards grouillants de vie et d’activités.

On rêve devant les photos qui disent une vie quotidienne totalement oubliée : les chevaux qui tirent les marchandises livrées sur les quais de la Seine (1886), le bouquiniste absorbé dans sa lecture, cape sur le dos, à côté de ses «boîtes» en équilibre fragile, à demi écrasées sous le poids des papiers entassés sans ordre, le corps d’un suicidé déposé sur la berge pendant la Première Guerre mondiale, entouré d’une foule de curieux. Une affiche d’Adolfo Hohenstein, vers 1905, vante ces «Couveuses d’enfants avec bébés vivants, Maternité Lion, 26 bvd. Poissonnière, Paris». Une double page est consacrée aux dames galantes recensées par Victor Leca dans un Guide du viveur à Paris (vers 1902), description minutieuse de ces dames et de leurs charmes : «Irène de Jabora. Espagnole authentique. Femme énergique et cruelle… (…)» ; «Azcouïta Brionatska. Plantureuse négresse aux cheveux crépus(…) Ne manque pas d’éducation et parle volontiers de Madagascar, où elle est née».

On feuillette l’album de photos de lieux disparus ou profondément changés : le jardin du Moulin Rouge avec son grand éléphant vers 1898, l’éléphant de la Bastille, une gravure de la calme abbaye Saint-Antoine-des-Champs au XVIIIe siècle… Il y en a pour tous les goûts et toutes les curiosités. La richesse remarquable de l’iconographie donne tout son relief aux textes rassemblés par Philippe Mellot. En fin de livre : bibliographie et index. Une belle maquette, couverture reliée, beau papier.

Bref, un bel ouvrage tout à fait passionnant sur un Paris disparu.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 13/11/2012 )
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