L'actualité du livre
Art de vivreet Gastronomie & Vin  

L’Univers du vin
de Frédérique Crestin-Billet
Solar 2000 /  / 142 pages

Plongeon(s) dans le vin, à condition de savoir nager

Le livre n'est pas, à priori, un ouvrage à l'attention des spécialistes en oenologie. Il ne s'agit pas de connaître les nuances et les caractéristiques de chaque cépage, ni de décrire avec minutie les arômes des vins. Il est ici question de s'enivrer de toutes les petites et grandes histoires du vin. Tonneaux, bistrots, chansons bachiques et écrits bibliques, au fil des pages et des nombreuses illustrations, le lecteur est plongé dans tout ce qui constitue la culture viti-vinicole.

Un rappel historique pour commencer. L'existence de pépins fossilisés nous apprend que la vigne remonte à des millions d'années. Mais il n'est véritablement question de vin que lorsque l'homme entretient et sélectionne le raisin propre à la vinification. La cinquantaine de cépages principalement utilisés aujourd'hui n'est qu'un échantillon des milliers d'espèces qui ont existé. Les Grecs, les Romains, puis les moines ont sélectionné les plus résistants au fil du temps.

L'étude de l'évolution des cépages a connu son âge d'or au XIXème siècle. La description scientifique des diverses formes de vignes, appelée ampélographie, est l'ouvre de deux hommes : Pierre Viala et Victor Vermorel. Le premier partit en Amérique sur ordre du gouvernement pour reconstituer le vignoble après la crise du phylloxéra. Le second, industriel philanthrope, trouva des outils pour lutter contre le puceron maudit. Les deux hommes, aidés de près d'une centaine de spécialistes, se lancèrent dans l'écriture d'un traité magistral sur la vigne et l’ouvrage, publié en 1910, servit de base à tous les travaux réalisés par la suite dans ce domaine.

Après avoir détaillé les processus de vinification pour le vin rouge, le vin blanc, les mousseux, les rosés, les liquoreux, ce sont les barriques, les bouteilles, les bouchons, les étiquettes, les tire-bouchons et les verres à dégustation qui sont passés au crible. Les photos et les gravures d'époque, les croquis explicatifs et les objets de collection nous font toucher du doigt la place primordiale de tous ces accessoires. Le fût en bois, s'il ne sert plus au transport du vin est toujours utilisé par les exploitants qui se targuent d'élever leurs crus en barriques, qui plus est bordelaises. La bouteille, hier considérée comme un objet de table réservé aux riches, est devenue, avec l'industrialisation, la carte de visite du précieux élixir. La forme, la couleur et la taille caractérisent l'origine de la production.

Le bouchon de liège, reconnu pour son étanchéité, sa bonne adhérence, sa longévité et sa neutralité par rapport au vin pourrait aujourd'hui être remplacé par une capsule ou un bouchon métallique. Mais dans notre imaginaire, une ouverture de bouteille sans le " spoc " du bouchon, ça n'a effectivement rien à voir. Du côté de l'étiquette, qui n'est apparue que tardivement avec la bouteille, il n'est plus question de n’en faire qu'à sa guise, comme ce fût le cas jadis. Avec l'apparition des appellations d'origine contrôlée, dans l'Entre-deux-Guerres, l'étiquette doit répondre à une réglementation stricte. Ce qui n'empêche pas les fantaisies graphiques. Le tire-bouchon, pour sa part, n'a pas été inventé pour le vin, mais pour les fioles de parfum et les bouteilles de bière. Une fois la bouteille ouverte, reste le dernier instrument avant que le vin ne vienne chatouiller les papilles: le verre qui doit laisser les arômes s'exprimer à leur juste valeur.

Puis c'est au tour de la réclame et de la consommation d'être passées à la loupe. Evolution de la qualité du vin et quantité de litres consommés annuellement par personne au fil du temps. Passage obligé par la question de l'ivresse qui reste aujourd'hui un véritable fléau. Dans les pages consacrées à l'histoire des tavernes, des restaurants et des bistrots, on apprend que le tout premier café fût ouvert à Paris en 1672 par un Arménien.



Seaux à champagne, porte-clés publicitaires, affiches et autres supports de réclame complètent le panorama, avant d'entrer dans le détail de l'histoire du négociant Nicolas, qui est toujours l'un des cavistes les plus célèbres.

L'ouvrage s'achève par un tour d'horizon des écrits, des paroles et des musiques dédiés au vin. La légende de Dionysos, le dieu qui faisait couler le vin à flots. Les chansons qui firent le succès des cabarets et des fêtes populaires. Les textes de la Bible, dans laquelle il n'y a pas un chapitre qui ne fasse mention de la vigne et du vin. Ainsi que " le Féret ", le guide de référence en matière de vins de Bordeaux.


Au fil de cet inventaire, on peut regretter que l'auteur, sous prétexte de ne pas parler du vin mais de son univers, ne se fasse plus pédagogue, allant jusqu'à prendre le lecteur de haut en arguant à propos du Pauillac: " nous n'aurons pas l'audace d'aller jusqu'à préciser que [cette appellation] est médocaine ! " Pourquoi ne pas informer avec simplicité (carte des
vins par exemple), plutôt que de se lamenter sur la méconnaissance des Français ? C'est dommage. Le lecteur néophyte, la cible de l'ouvrage si on ne se trompe, sort un peu frustré de ce panorama fourre-tout qui ne prend pas toujours le temps d'expliquer ou de replacer chaque élément dans son contexte. La somme de connaissances, les références bibliographiques et le précieux travail de documentation perdent ainsi de leur intérêt.

Barbara Batard
( Mis en ligne le 23/01/2001 )
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