L'actualité du livre
Art de vivreet Gastronomie & Vin  

Et si l'on partageait notre passion du goût ? - Petites histoires et grandes recettes
de Camille Esteban
Albin Michel 2004 /  32 €- 209.6  ffr. / 158 pages
ISBN : 2-226-14980-5
FORMAT : 19x25 cm

Un livre au goût étrange...

Soyons honnête : tout peut être prétexte à faire un bon repas. Partant, on peut s’imaginer que tout peut également être prétexte à faire un livre de cuisine. Pour autant, tout de même, que le but déclaré de la démarche demeure (nonobstant un aspect mercantile évident) la satisfaction du lecteur/cuisinier. Voilà qui semble ne plus être une donnée acquise… Unilever Bestfoods France (plus connu comme géant international de l’agroalimentaire que comme auteur gastronome) vient de concocter un joli livre rouge dont le propos varie entre marketing de bas étage et bien bonnes recettes.

A l’origine de cet ouvrage, on l’a dit, une société de produits alimentaires, et quelques unes de ses marques les plus connues. Chacun des huit chapitres est ainsi consacré à une marque et au produit qu’elle représente : le thé Lipton, la levure Alsa, l’huile d’olive Puget, etc. Le chapitre s’ouvre à chaque fois sur un historique des origines de la marque : comment elle est née, comment elle a évolué, comment elle s’est diversifiée. Ces petits rappels, bien exposés et vivants, sont particulièrement instructifs. On s’étonne d’apprendre que Maille existait déjà sous Louis XV, de savoir que la margarine a été découverte en observant des vaches affamées, ou encore que la moutarde Amora doit son nom à un dieu Egyptien (Amon-Râ). Au-delà de l’intérêt tout de même anecdotique de ces passages, l’idée est bien de faire sentir au lecteur que toutes ces marques bénéficient d’une tradition et d’un savoir-faire ancien, renforçant évidemment l’idée qu’il s’agit de produits de qualité.

Afin de le prouver, quelques grands chefs (et pas des moindres : Guy Martin, Philippe Renard…) sont conviés à utiliser ces produits dans des recettes personnelles. Ces créations, sans être révolutionnaires, sont intéressantes, car elles démontrent que des produits de consommation courante permettent d’obtenir des plats on ne peut plus présentables et appétissants (voir notamment au chapitre margarine la «volaille gauloise blanche dorée aux pommes de terre de Noirmoutier, girolles et noisettes») sans avoir forcément recours aux produits dont la qualité, dite «supérieure», entraîne un prix également supérieur. Quelques recettes classiques revisitées («crème brûlée au thé et spéculos»…) voisinent avec des créations plus originales («thon et aubergine, sauce à la moutarde», «fricassée d’escargots et de homard au Boursin»…), généralement toutes d’un niveau accessible.

A côté des stars, quelques amateurs proposent également des créations personnelles, traditionnelles («fricassée de veau du Languedoc», «cuisses de lapin confites et petits flans provençaux»…), parfois surprenantes («terrine de crêpes», «poêlée de fraises aux arômes balsamiques», «chips de maïs pimentées au fromage»…), généralement très accessibles, même si plusieurs «recettes d’amateurs» font montre d’une maîtrise déjà certaine de l’art culinaire.

Richement illustré, bien mis en page, cet ouvrage est très agréable à lire et a la qualité de n’être pas une succession aride de recettes archi connues. Il n’empêche que le lecteur peut rester un peu circonspect sur les intentions réelles qui ont présidé à l’élaboration d’un livre aussi singulier. On sait bien qu’un livre existe pour être vendu, mais la volonté d’en tirer un profit matériel se limite en général à ce simple «produit». Il est ici plus inquiétant de constater qu’en plus de cet aspect, le livre peut aussi servir de vecteur à une véritable promotion pour d’autres produits. En somme, en serait-on venu à nous faire consommer de la publicité payante ?

Raphaël Didry
( Mis en ligne le 30/06/2004 )
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