L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Un avenir
de Véronique Bizot
Actes Sud - Babel 2018 /  6,50 €- 42.58  ffr. / 112 pages
ISBN : 978-2-330-09702-8
FORMAT : 10,9 cm × 18,0 cm

Première publication en août 2011 (Actes Sud)

Maison de famille

Le fait est qu'Odd a d'emblée abordé l'existence sous sa forme désespérante, là où je me suis contenté de la considérer comme une farce inhumaine, et si je tiens un fonds de mélancolie et quelque chose comme une nostalgie - mais de quoi ? - Odd s'est tout entier consacré à son désespoir».

Paul, le narrateur, jumeau de Odd, se distingue de sa fratrie par tout et à commencer par son prénom : le seul français, celui de son père, là où la mère, norvégienne, a tenu à donner à ses enfants des prénoms de son pays : Harald, Adina et Dorthéa les jumelles, Margrete. Tout comme c'est à ses filles seules qu'elle a appris l'équitation. Paul le dernier, inattendu, dans une grossesse dont nul n'avait prévu qu'elle était gémellaire. Paul au destin légèrement différent, ni la réussite affichée d'Harald, d'Adina et Dorthéa, ni les drames que sont les vies d'Odd et de Margrete. Paul qui se précipite dans l'immense demeure familiale, délabrée et humide, en recevant un message laconique d'Odd qui lui annonce son départ, et en post-scriptum indique qu'un robinet est peut-être resté ouvert...

Seul dans la maison insensée, glaciale, comme l'a été une partie de la vie familiale, Paul remonte le temps, ravive les souvenirs, convoque les ombres des disparus, morts ou vivants. Il renoue les liens avec le passé, laisse aux villageois la confusion sur son identité : qui est-il : Paul ? ou Odd ? Il prend sur lui l'histoire familiale, la fratrie, les parents disparus, la fuite du père étrange, étranger. Il fait quelques rencontres dans le village. Au coeur du récit, la maison, qui elle-même va à vau l'eau, trop grande, abandonnée, mal aimée, déglinguée, victime d'un désamour radical...

Rien ne se passe vraiment et le récit est fascinant, Véronique Bizot construit par petites touches, avec une grande économie de moyens, un univers complexe, le microcosme familial, le poids de l'enfermement, le choc des personnalités, la difficulté d'affronter le monde hors de ce lieu clos. Avec une grande économie de moyens, elle campe ses personnages autour de Paul, la vie de Paul, ingénieur hydraulique ; les rêves des uns et des autres, tel cet Écossais qui pour retrouver sa femme fit construire le téléphérique qui illustre la couverture...

Véronique Bizot, sans avoir de l'air de rien, raconte ses destins accomplis ou fracassés, l'attitude devant la vie, résignée ou énergique. On pense à la célèbre phrase d'Anna Karénine - «Toutes les familles heureuses le sont de la même manière, les familles malheureuses le sont chacune à leur façon» (L. Tolstoï).

Un récit singulier et prenant, entre longue nouvelle et court roman.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 07/03/2018 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)