L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Jour sans retour
de Katherine Kressmann Taylor
Le Livre de Poche 2003 /  6.75 €- 44.21  ffr. / 345 pages
ISBN : 2-253-15434-2

Malheur aux coeurs purs

On l'ignore encore trop souvent : la Résistance allemande aux nazis a existé et s'est constituée, dans l'urgence, durant les années de la montée du fléau (1931-1939). Avec une folle témérité, de la part de ceux qui osèrent. Le risque était incalculable et sans cesse croissant : le régime ne reculait devant aucune cruauté, aucune brutalité. Voici un livre qui raconte d'une manière claire la plongée ahurie de tout un peuple dans la terreur - ou le fanatisme. Les dissensions communautaires aussi virulentes que soudaines, les violences omniprésentes dans la société allemande de l'avant-guerre... Chaque jour y ressemble, pour les personnes clairvoyantes, au réveil d'un cauchemar... mais il leur faut se rendre compte dans l'instant que "non, tout est vrai". Que "cela" empire à une vitesse terrifiante, qu’il faut absolument réagir, quels que soient les risques.

L'extraordinaire vivacité du trait force l'admiration. Il en fallait du talent, pour traiter en véritable roman d'aventures épiques un sujet aussi peu engageant que la tentative de prise de pouvoir par les nazis sur l'Eglise luthérienne allemande ! Car, et la nuance n'est pas mince, il s'agit là d'un "fait historique romancé", écrit en 1942.

Kressmann Taylor, décédée en 1997, est l'auteur du best-seller Inconnu à cette adresse, composé en 1938 et qui, en France, n'a pas quitté le classement des meilleures ventes depuis sa publication en 1999. D'un ouvrage à l'autre, la voici mystérieusement transformée, par la grâce de biographies à géométrie variable : l'épouse dilettante et vaguement publicitaire, écrivant par hasard un unique chef-d'œuvre, devient une romancière importante mais manifestement peu prolifique (à moins que..?). Et dotée d'un authentique pouvoir visionnaire, quant à la teneur réelle des ambitions du dénommé Adolf Hitler.

Sur ce point, le livre est indispensable... et fait froid dans le dos. Sur les autres, on regrettera la kyrielle de personnages inventés ou "réécrits" : le héros lui-même et son père, inébranlables dans leur Foi et admirables en tous points, la mère dévouée et quasi-sainte, Orlando von Schlack, le génie maudit au rayonnement de diamant noir, Erika la beauté blonde, résistante irrésistible, et la subséquente scène du baiser final qui semble calibrée pour Hollywood 1942. Mais tout cela est mitonné avec tant d'intelligence et de virtuosité que le plaisir de lecture est intact... même s'il contraste curieusement avec la gravité du sujet.

Isabelle Nouvel
( Mis en ligne le 08/02/2003 )
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