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Pocheset Littérature  

Middlesex
de Jeffrey Eugenides
Seuil - Points roman 2004 /  9 €- 58.95  ffr. / 679 pages
ISBN : 2-02-066961-7
FORMAT : 11x18 cm

Roman paru une première fois en août 2003 (L'Olivier).

Traduit de l'anglais par Marc Cholodenko.
Prix Pulitzer 2003.


La jouissive rencontre du troisième sexe

Qu’y a-t-il de commun entre l’incendie de Smyrne en 1922, l’origine chromosomique des hermaphrodites, les émeutes de Détroit dans les années 70, la mythologie grecque et les conflits de génération au sein de l’American way of life ? Rien, hormis le génie de Jeffrey Eugenides. L’auteur de Virgin suicides parvient à réunir dans Middlesex tous ces paramètres, et bien d’autres encore, en un roman fascinant et pas du tout indigeste, malgré la variété des ingrédients susnommés.

Pour planter le décor, Middlesex – prix Pulitzer 2003 – est d’abord une saga qui raconte l’histoire de la famille Stephanides sur trois générations, depuis les grands parents, Lefty et Desdemona, Grecs immigrant aux USA dans les années vingt, jusqu’à leur petit-fils, Cal. En suivant les tribulations de ces trois archétypes : les grands-parents immigrés qui ont toujours refusé de s’assimiler, les parents, excessivement avides d’intégration, et le fils, à la recherche de son identité, c’est tout le XXème siècle américain qui est campé. Comme d’autres auteurs concitoyens de sa génération (on pense aux Corrections, de Jonathan Franzen), Eugenides nourrit sa prose d’une documentation sans faille et ce roman a un côté un peu encyclopédique. Mais lui le fait sans ostentation, et cette somme de connaissances est servie à travers des anecdotes plus savoureuses les unes que les autres, avec un humour décapant et un sens de la dérision (et de l’auto-dérision) sans faille qui fait qu’on dévore ces 679 pages aussi légèrement qu’une BD.

Mais cette épopée grecque, qui tient autant de la tragédie que de la farce, n’est qu’une partie du roman. L’autre morceau de choix, c’est l’histoire du narrateur, Cal, le petit-fils Stephanides, hermaphrodite de son état et fil conducteur du roman, puisque c’est lui qui nous conte l’histoire de sa famille. Née fille, Calliope découvre à son adolescence qu’elle est – aussi – un garçon. Nous voilà au cœur des questions existentielles sur l’identité sexuelle (question de biologie ou d’éducation ?) si bien posées, et si bien décrites, qu’on se prend par instants à se demander si, Eugenides, par hasard… Non, bien sûr, c’est son génie d’écrivain de mêler à cette fable des éléments autobiographiques (la description physique de Cal ressemble furieusement à la photo de l’auteur sur le livre) qui promènent le lecteur où il veut bien l’emmener.

Et Eugenides nous conduit loin. A l’issue du voyage, dépaysé, ému et ébloui tout à la fois, on referme ce livre avec un pincement au cœur. C’est fini. Il faut quitter Cal, le laisser vivre sa nouvelle vie d’homme. En espérant qu’Eugenides ne mettra pas dix ans (le temps qu’il lui a fallu pour écrire Middlesex) avant de nous offrir un nouveau livre.

Marie-Pierre Noguès
( Mis en ligne le 20/07/2004 )
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