L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Ecriture - Mémoire d'un métier
de Stephen King
Le Livre de Poche 2003 /  6.50 €- 42.58  ffr. / 350 pages
ISBN : 2-253-15145-9
FORMAT : 11x18 cm

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par William Olivier Desmond.

Ouvrage paru une première fois en septembre 2001 (Albin Michel).


Dans l'atelier de la création

Reconnaissons-le : sur le papier, ce livre paraissait rien moins que périlleux. Le Stephen King des grands romans d'épouvante délaissant son univers horrifique pour se livrer au difficile exercice des "conseils au jeune écrivain" , mâtiné de souvenirs autobiographiques ? Il y avait là matière à bien des dérapages, tels qu'en ont connus des auteurs au talent pourtant avéré (Paul Auster et son Diable par la queue, par exemple).

Mais voilà : ce merveilleux storyteller n'a pas son pareil pour s'asseoir face à nous et nous embarquer, l'air de rien, dans les récits les plus touchants, les plus drôles, les plus graves. De son style franc et massif, il retrace, dans une série de tableaux rappelant l'univers de John Irving, le parcours d'un apprenti écrivain dans le Maine des années 50-60. Cette partie du livre, intitulée "CV", constitue sa première leçon d'écriture, toute empirique. On y voit l'auteur de Carrie rencontrer sa femme lors d'un cours de poésie, collectionner les refus de la part de revues littéraires, publier enfin son premier roman et le vendre en collection de poche pour une somme record, perdre sa mère, entamer un combat douloureux contre l'alcool et la drogue... et s'interroger sur le meilleur emplacement pour sa table de travail. Le "précepte d'écrivain" qui clôt ces épisodes sonne comme un Credo : "La vie n'est pas un système logistique destiné à soutenir l'art. C'est tout le contraire."

C'est, finalement, lorsqu'il explique les principes de son art poétique que King est peut-être le moins convaincant. Certes, on lui sait gré de ne pas vendre à son lecteur une méthode pour devenir un génie de la plume ; mais on sourit devant certains diktats qu'on dirait tout droit sortis d'un de ces ateliers d'écriture qui produisent à la chaîne des auteurs de "real page-turner" : jamais d'adverbes ! jamais de voix passive ! Passée au tamis de Stephen King, la littérature américaine se réduirait donc à Ernest Hemingway et Raymond Carver... Pourtant, on reste séduit par le mélange de naïveté, d'humilité et de rouerie qui amène le romancier à offrir à son lecteur des extraits de ses textes avant et après correction, en expliquant ligne à ligne les raisons de chaque modification. Rarement on aura eu le sentiment de pénétrer à ce point dans l'atelier de la création.

Le livre s'achève comme il avait commencé : sur un épisode autobiographique, en l'occurrence le grave accident qui a failli coûter la vie au romancier et l'a amené à concevoir le projet d'Ecriture. On comprend alors, et c'est ce qui rend cet ouvrage fait de bric et de broc si émouvant, que ce "discours de la méthode" s'adresse en réalité à Stephen King lui-même, auteur convalescent mettant de l'ordre dans ses outils et dans ses idées avant de renouer avec cet art à la fois si familier et si étrange : écrire.

Pierre Brévignon
( Mis en ligne le 09/01/2004 )
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