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Pocheset Littérature  

Le Ciel n'aime pas le bleu
de Christophe Paviot
J'ai lu - Nouvelle génération 2004 /  4.50 €- 29.48  ffr. / 188 pages
ISBN : 2-290-32335-7
FORMAT : 11x18 cm

Ouvrage paru une première fois en 2000 (Le Serpent à plumes).

Fantasia chez les ploucs ?…

Christophe Paviot signe d’une encre bileuse le roman superbe et gore d’une vie sacrifiée. On croirait l’évocation naturaliste des profondeur rurales de notre France, le tableau acide d’une campagne en rien édénique mais ayant plutôt conservé sa brutalité naturelle en l’adaptant tout simplement à la modernité : machinisme, eugénisme et pédophilie sont les grands thèmes de ce roman triste.

Orphelin d’explorateurs morts parmi les trésors khmers, bobo parisiens ayant trahi de toute façon leur mission parentale, le narrateur, Lebenn, fait ce choix étrange de retourner à la source de son malheur : la ferme de Noël et Gisèle, l’oncle et la tante à côté desquels les Bidochons gagnent une aura disneyenne… La source du mal, c’est Noël et ces souvenirs terribles qu’il a façonnés sans vergogne sur le corps innocent de l’enfant d’alors. Christophe Paviot nous en fait le récit impudique, pornographique même. C’est difficilement supportable. Les souvenirs de l’inceste côtoient la description de la vie rurale bretonne, glauque, sale, primitive. On comprend que le tableau est nourri des souvenirs eux-mêmes salis de l’enfant, et que d’autres, chanceux, se remémoreraient une contrée plus verte et chatoyante…

Car, malgré cette faune en effet patibulaire, l’auteur ne livre pas un roman désabusé, qui serait écologique de son anti-écologisme même. La nature ? «Elle ne digère pas. Elle est incapable de digérer l’urbain, elle fait la gueule, elle nous montre l’humain.» (p.65) C’est le sacrifice de l’enfance qui est au centre. La ferme n’en est que la scène. Los Angeles, ville emblématique où Lebenn finit par échouer, n’est pas un cadre plus amène pour son malaise : «on a tous notre part de fardeau qui nous attend quelque part, sauf que ce quelque part, c’est souvent, c’est toujours au même endroit, c’est ici.» (p.179) Impossible de fuir donc… On devine l’issue d’une telle dérive…

Avis donc ! Si la plume est belle, maîtrisée et mérite certainement un détour, le propos est plus que grave et devra donc dissuader les âmes en quête d’une nourriture plus légère et joyeuse. Le roman rentre dans un genre en vogue, celui de l’évocation du soi, brute, presque complaisante, sous couvert de littérature : adultère, inceste, pédophilie, deuil alimentent peut-être trop les étals des libraires. Signe de temps moroses, au romantisme pesant ? On refermera sans doute le livre avec une envie de sucre, de lignes plus sautillantes et désinvoltes. Dans la même collection, Régis de Sà Moreira nous donne un antidote tout aussi littéraire : Pas de temps à perdre (J’ai Lu, 2003).

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 05/04/2004 )
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