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Pocheset Littérature  

Le Livre des illusions
de Paul Auster
Le Livre de Poche 2004 /  7.50 €- 49.13  ffr. / 379 pages
ISBN : 2-253-10953-3
FORMAT : 11 x 18 cm

Ouvrage paru en 2002 (Actes Sud). Traduit de l'américain par Christine Le Boeuf.

Du grand art

Que faire de soi-même lorsque l'on vient de perdre brutalement tous les siens dans un accident d'avion ? David Zimmer plonge au fond du désespoir, se claquemure chez lui et se met à boire à longueur de journée, incapable même d'évoquer l'image de sa femme et de ses deux petits garçons défunts. Jusqu'au soir où il sent un rire incongru s'échapper de lui devant un film muet. Le réalisateur est presque insignifiant... et oublié depuis longtemps : il s'est mystérieusement volatilisé en 1929, son corps n'a jamais été retrouvé. Mais Zimmer n'en a cure, ce petit bonheur inattendu est le signe que quelque chose peut renaître en lui. Reconnaissant, il se met compulsivement au travail sur l'œuvre d'Hector Mann. Et s'aperçoit bien vite que la disparition du cinéaste n'est que la première énigme d'une longue série... De qui est cette lettre, prétendant contre toute logique que l'homme est toujours vivant ? Qu'il l'attend pour lui raconter le fin mot de l'histoire ?

L'auteur de Léviathan, de la Trilogie new-yorkaise et d'une vingtaine d'autres romans magistraux, confirme encore une fois la plénitude de son talent de prestidigitateur littéraire, après quelques détours par le cinéma (Brooklyn Boogie, Lulu on the Bridge). Mais pour Auster, plus le 7e Art cherche à approcher le réel, plus il s'épuise dans son échec à représenter le monde. L'écrivain semble ici vouloir l'abandonner... tout en y revenant sans cesse par le biais de la narration.

Mené tambour battant, Le Livre des illusions est de ceux qui vous captivent dès la première ligne : on a rarement vu une expression si fastueuse se couler dans une langue aussi limpide et familière... Une telle délectation malicieuse de la "péripétie feuilletonesque" épouser sans heurt une réflexion sophistiquée sur le vertige des apparences. Les gags sont enchâssés dans les drames, le rire dans les hurlements d'horreur, les chausse-trappes succèdent aux retournements de situation... et chaque réalité, en fin de compte, ne procède que d'une plus haute illusion. Installant pièce à pièce une implacable mécanique romanesque, Auster ne fléchit pas un seul instant jusqu'à la surprise finale... qui se saisit du lecteur lui-même pour lui offrir sa place dans l'histoire. Du grand art !

Isabelle Nouvel
( Mis en ligne le 11/10/2004 )
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