L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Brooklyn Follies
de Paul Auster
Actes Sud - Babel 2007 /  8.50 €- 55.68  ffr. / 368 pages
ISBN : 2-7427-6531-X
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication française en septembre 2005 (Actes Sud).

Le livre de la beauté humaine

Voici l'avant dernier opus austérien, aujourd'hui en format poche chez Babel, où l'on retrouve tous les amours de l'écrivain new-yorkais : New-York justement, et son petit frère de l'Est, l'énorme Brooklyn avec sa population bigarrée et attachante, comme un Ménilmontant à la sauce yankee, plus gras, plus gros, plus lourd, plus riche. En un mot, époustouflant ; «... mon quartier, avec son mélange changeant de blanc, de brun et de noir, sa polyphonie d'accents étrangers, ses enfants et ses arbres, ses familles de petits-bourgeois laborieux, ses couples de lesbiennes, ses épiceries coréennes, le saint homme indien barbu en robe blanche... ». Et un regard toujours aussi cynique sur la société américaine, «l'endroit odieux que ce pays est en train de devenir. Les fous furieux de la droite chrétienne. Les millionnairesàvingtans.com. Télé-Golfe. Télé-Foutre. Télé-Nausée. Le capitalisme triomphant, sans plus rien qui s'y oppose.». Et, enfin, le ton d'un humaniste revenu de tout, sauf des Hommes justement, qu'il continue d'aimer, décidément.

Brooklyn Follies est cette macédoine littéraire, goûteuse et point lourde, aérée, subtile. Une condition humaine au temps de Bush II. C'est en fait une histoire de famille. Nathan, narrateur retraité des assurances, écrivain velléitaire, voit défiler autour de lui les trajectoires de parents ou de proches, invraisemblables mais finalement crédibles.

Tom est le neveu, Bac + trop d'années passées à lire pour finalement se retrouver chauffeur de taxi, puis libraire... Libraire auprès de Harry, arnaqueur au coeur tendre, qui aime les hommes, qui aime les femmes aussi... Femmes aussi, qui sont nombreuses : la petite Lucie qui débarque un beau jour devant son oncle et son grand-oncle, muette comme une carpe, venue on ne sait pourquoi de Caroline-Caroline... Caroline-Caroline où sa mère, Rory, la triste Aurora, subit les diktats d'un époux fanatique, évangéliste extrême comme on les devine outre-Atlantique... Et d'autres belles tranches d'humains dont on préservera ici l'anonymat...

Entre Manhattan et Brooklyn, le Vermont et l'une des deux Carolines donc, ces êtres se télescopent, intéragissent, téléguidés par le manque d'aimer, le besoin d'aimer. Qu'importent les intrigues – une affaire de faux littéraire, la recherche d'Aurora, les amours lesbiennes de femmes dégoûtées des hommes -, ce sont les personnages qui importent, brillamment esquissés par un amoureux des êtres, et des lettres : «Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des livres» Oh que non !

«Des instants de grâce inoubliables, de minuscules ravissements, des miracles inexpérés. Dériver doucement dans Time Square à trois heures et demie du matin, et, tout à coup, se sentir seul au centre du monde, sous une pluie de néon venue de tous les coins du ciel» Tout est dit ici, et ce roman est de ceux-là...

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 14/02/2007 )
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