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Tous aux abris !
de Michael Moore
10/18 - Fait et Cause 2004 /  7.80 €- 51.09  ffr. / 334 pages
ISBN : 2-264-03995-7
FORMAT : 10x18 cm

Ouvrage paru une première fois en février 2004 (La Découverte).

Michael vs Bush : nouvel acte

Ce pamphlet de Michael Moore a pour propos de nous éclairer sur ce qui se passerait aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001. Les révélations se succèdent dans un style qui force volontairement le trait, genre oblige. Mais l’humour habituel du célèbre trublion se couple à un sérieux indéniable, qui se reflète dans les notes de fin de chapitre, regroupées à la fin du volume et permettant de vérifier chaque information et chaque citation faite par l’auteur. Il pose des questions cruciales, bien qu’à traits grossiers, et les ébauches de réponses qu’il donne sont satisfaisantes.

Il nous apprend ou nous rappelle des faits plutôt gênants à expliquer pour l’administration Bush. Celle-ci s’est, par exemple, opposée à la formation d’une commission d’enquête sur le 11 septembre, puis a fait obstruction à ses demandes d’informations. Convaincue par l’Arabie Saoudite de laisser les 24 membres de la famille Ben Laden, présents sur le territoire américain au moment du 11 septembre, regagner l’Arabie, elle aurait même raccompagné ceux-ci en avion privé (alors même qu’ils continuaient à financer Oussama et Al Qaeda).

M. Moore récapitule les principaux "mensonges" dits au peuple américain, analysant la propagande mise au service de l’administration en place. C’est ainsi que, pour la majorité des américains, l’Irak possèderait des armes de destruction massive (le président l’ayant même affirmé dans son discours sur l’état de l’union précédant l’entrée en guerre), mais aussi des armes chimiques et biologiques. Le principal mensonge, justifiant la guerre aux yeux d’une opinion américaine traumatisée par le 11 septembre, a été d’affirmer l’existence de liens entre l’Irak de Saddam Hussein et Al Qaeda. Des sondages d’opinion ont même montré que la majorité des américains pensent que la plupart des terroristes du 11 septembre sont irakiens, alors qu’ils sont saoudiens.
La suite de cette politique a été de désigner la France comme ayant «trahi la cause de la liberté» : nous connaissons les manifestations de propagande anti-française et leurs conséquences (30% de réservations vers la France en moins pour l’été 2003).

M. Moore insiste sur l’idée que la «guerre contre le terrorisme» n’est qu’un prétexte permettant à Bush et ses comparses de s’enrichir au mépris des droits et de la Constitution. Pour cela, explique-t-il, il suffit de nourrir suffisamment la psychose qui s’est emparée des Américains après le 11 septembre afin qu’elle dure. Cela peut passer par la mise en avant continue de nouvelles menaces.
Toujours grâce au prétexte de la lutte contre le terrorisme, l’USA Patriot Act a été voté, qui permet au gouvernement de recueillir toutes les informations qu’il souhaite sur les citoyens sans être limité par des considérations de droits civiques ou de vie privée. Ne seraient plus confidentiels, ni les messages électroniques privés, ni les relevés de comptes, ni les bulletins de salaire, ni le dossier médical, ni la liste des emprunts de livres à la bibliothèque. Les agents du gouvernement peuvent même venir fouiller un domicile en l’absence du propriétaire sans l’en informer. En plus des cas de violation des droits de l’homme (illustrés par les prisonniers de Guantanamo, mais pas seulement), l'auteur cite aussi toutes les personnes qui se sont vues intimider pour avoir adhéré à une idéologie dite «anti-américaine», en fait pour avoir critiqué le président et la guerre en Irak.

A cela, il oppose d’autres solutions pour mener la lutte contre le terrorisme. Ce qui passe par la nécessité pour les Etats-Unis de ne plus renverser des régimes démocratiques ou de soutenir des dictatures. Le point principal est que chaque habitant de la planète puisse vivre dans des conditions acceptables d’hygiène et de sécurité. Donc un partage des richesses, un accès pour tous à l’eau potable, etc.

Pour convaincre ses lecteurs de déboulonner Bush aux élections de novembre 2004, Michael Moore montre comment des millions d’américains ont vu s’envoler leurs économies et leurs retraites avec la chute de la bourse (ce sont environ 4000 milliards de $ qui se sont alors volatilisés) et le rôle joué par les grandes entreprises. Parmi celles-ci : Enron, dont le PDG, Kenneth Lay, ami de Bush, fait partie de ces dirigeants qui ont reçu des indemnités de licenciement s’élevant à 310 millions de $ et 435 millions de $ en actions juste avant la faillite.

Pour Michael Moore, l’Amérique est, en fait, fondamentalement à gauche. La rage et l’hystérie de la droite conservatrice (à lire : les citations faites d’Ann Coulter ou de Michael Savage) seraient dues à leur conscience d’être minoritaires dans l’opinion. L’absurde situation actuelle doit donc changer, et se débarrasser de Bush aux élections de novembre 2004 est une nécessité. Pour y parvenir, et convaincre ceux qui ne sont «conservateurs que de nom», l’auteur dresse un véritable plan de campagne en faisant appel à la bonne volonté du lecteur. Le résultat ne pourra être connu qu’en novembre prochain.

Notons qu’en préface à l’édition française, Michael Moore salue la résistance de la France devant la volonté de George Bush. Mais il souligne le fait que notre pays, pour son malheur, ressemblerait de plus en plus aux Etats-Unis, avec notamment le grignotage du système de protection sociale. Voici donc un brûlot anti-bushiste, de la veine de ceux dont l'auteur s'est fait la réputation internationale.

Marie Cattelain
( Mis en ligne le 23/10/2004 )
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