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Le Sculpteur
de Scott McCloud
Rue de Sèvres 2015 /  25 €- 163.75  ffr. / 485 pages
ISBN : 978-2369811244
FORMAT : 25,5x18 cm

Rodin ou rien ?

David Smith… pas le grand sculpteur connu de tous, non l’autre, un homonyme, sculpteur également mais sans le sou, passé à côté du succès par fierté, et toujours autant torturé. Une vie triste au service d’un art qui le désespère et d’un public qui l’ignore. Jusqu’au jour où la mort – sous la forme d’un oncle disparu – lui propose un pacte, faustien : la capacité de modeler la pierre selon ses désirs, contre 200 jours de vie… Bref, donner corps à son talent, le livrer au monde dans une apothéose, pendant 200 jours.

Le pacte idéal pour un artiste torturé et au bout du rouleau… mais la vie est plus perverse et offre bientôt à David Smith une rencontre, un ange tombé du ciel : Meg, une jeune actrice qui lui offre l’amour dont il manquait et dont son art manquait. Et là, tout à coup, la situation devient tragique, d’autant que malgré son don, David Smith ne rencontre pas la consécration publique dont il rêvait. Le temps s’enfuit, la vie devient plus belle et plus cruelle à la fois, et bientôt le sculpteur doit faire face aux conséquences de son pacte… lui reste-t-il seulement une dernière chance de confronter le monde à son art et à son don ?

Scott McCloud, c’est d’abord cet auteur de BD surdoué, théoricien et pédagogue de l’Art invisible… Les théoriciens qui passent à l’action, c’est toujours une gageure ! Pour cet album, on peut dire que la démonstration est efficace, et que l’intrigue, le sens du rythme et de la mise en image révèlent le talent autant que l’application… Un album réussi donc, séduisant et très lissé dans la forme, où l’auteur met à profit toute la méthode et tous les procédés développés dans ses albums sur l’art de la bande dessinée. De la belle ouvrage, donc.

Mais c’est surtout le fond qui intrigue et fascine : une réflexion torturée sur l’Art avec un grand A, le vrai, celui qui suppose sacrifices, souffrances, renoncements… La vie de David Smith est une sorte de Via Dolorosa qui s’achève sur le Grand Œuvre, après avoir essaimé dans la ville et interpellé les passants, faute de galeristes intéressés. Et dans la foulée l’auteur règle ses comptes au marché de l’art, aux mécènes ignares, aux galeristes conformistes, aux artistes manipulateurs, au public aveugle. Bref, au-delà d’un album bien mené, presque trop beau pour être honnête, un récit intimiste de la vie d’artiste, de ses souffrances au service d’une vision très romantique de l’Art.

On est loin de Jeff Koons, là, mais cette vision très classique et parfaitement mise en scène se lit avec bonheur, comme une belle leçon sur le neuvième art et une réflexion sur l’artiste.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 13/05/2015 )
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