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Bande dessinéeet Manga  

La femme défigurée (vol. 2)
de Kanako Inuki
Delcourt - Mangas 2004 /  5.50 €- 36.03  ffr. / 184 pages
ISBN : 2-84789-261-3
FORMAT : 11 x 18 cm

Cauchemar

Retour dans ce second tome sur les tribulations de la Femme défigurée, qui a adopté Sakura, une jeune collégienne, et l’a écharpée en bonne et due forme. Difficile de passer inaperçue à l’école lorsque l’on porte un bâillon en permanence afin de dissimuler les pires mutilations… Mais Sakura fait face avec courage, sachant pertinemment que sa tortionnaire se nourrit de la rumeur et ne survit que grâce aux ragots que l’on distille sur son compte. En effet, éviter de parler de cette créature dégénérée tout droit sortie de l’imagination galopante des enfants est le seul moyen de la faire tomber à jamais dans l’oubli. Et la légende s’éteindra alors d’elle-même.

Cette nouvelle immersion dans le monde de l’enfance, avec ses peurs irrationnelles et sa cruauté, offre un univers répugnant, souvent ridicule, plus drôle que réellement terrorisant. Véritable parabole sur le mal que peut engendrer la parole, et plus spécifiquement la rumeur, l’histoire s’enlise parfois dans des méandres compliqués aux rebondissements quelque peu poussifs. Et comme dans tout conte, une morale qui vaut ce qu’elle vaut : la seule parade aux calomnies est de se comporter de la pire des manières afin d’en faire des vérités. Même si ceci ne fait que déplacer le problème…

À noter une seconde nouvelle en fin de volume, intitulée Fécondation impie (tout un programme !). Ce cauchemar nataliste joue sur le registre des peurs ancestrales – telles que l’origine de la vie ou la possession –, et montre sans fausse pudeur la monstruosité inhérente à tout phénomène de procréation, surtout lorsque celui-ci s’accompagne de mutagenèse sauvage. À l’image d’un cours de sciences naturelles, revu et corrigé à la sauce Inuki, cette fable amusante et terriblement malsaine fait étrangement écho au dogme de la survie de la race prônée par bien des dictatures, avec sa kyrielle de dommages collatéraux : expérimentation humaine, exercice illégal de la médecine et torture instrumentalisée se profilent ainsi sournoisement au fil des pages. Et cette dérive totalitaire, bien plus que l’horreur pure et dure propre au kowaï manga, ne manque pas de donner froid dans le dos et de susciter en nous des angoisses légitimes…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 11/06/2004 )
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