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Bande dessinéeet Manga  

Voyage à Uroshima
de Yôji Fukuyama
Casterman - Sakka 2006 /  9.95 €- 65.17  ffr. / 191 pages
ISBN : 2-203-37338-5
FORMAT : 15x21 cm

Le pire des sens

Un quinquagénaire ennuyeux débarque par erreur dans la petite ville d’Uroshima, où il est de coutume de forniquer à longueur de temps, comme d’autres se disent bonjour. Il y croise Yuma-Chan, une collégienne qui le fascine dès le premier regard et dont il tombe regrettablement amoureux. Mais la jeune fille disparaît dans la foule coïtante sans un mot pour l’homme. Ce dernier se jure alors de revenir à Uroshima pour retrouver la douce enfant.

Aussi décapant que l’excellente tétralogie Stairway to Heaven, ce one shot aux dialogues délirants mêle avec jubilation comédie et érotisme. Le ton incisif et la succession de scènes toutes plus hilarantes les unes que les autres bousculent nos préjugés et notre conception égotique du bonheur. Car la farce tourne au cauchemar, et le retour de bâton est cinglant. Le pauvre protagoniste perd subrepticement pied et s’égare dans un monde de phantasmes où il franchit l’unique interdit : vouloir pour lui tout seul une femme. L’univers d’Uroshima s’affiche ainsi comme un négatif de notre société, où la fidélité est une valeur portée aux nues. Ici, non seulement elle n’existe pas, mais vouloir s’approprier autrui ne serait-ce que pour un temps relève de la perversion. Et les habitants ne plaisantent pas avec les comportements déviants : sortir de la loi suprême de la copulation ininterrompue est puni de mort.
On passe donc du rire à l’inquiétude, et les considérations métaphysiques du protagoniste qui tourne autour du pot (« Je n’aime pas beaucoup le proverbe qui dit « En voyage, lâche-toi ! » mais je ne déteste pas celui qui dit « À Rome, fais comme les Romains » ») contrastent avec la crudité du langage des autochtones (« Hep, là-bas ! Arrêtez de vous branler en lisant les revues du présentoir ! »). Entre Enfer et Paradis, notre quinquagénaire devient prisonnier de ses sens et n’aspire plus qu’à un seul but : faire l’amour à Yuma-Chan. Une œuvre où l’absurde le dispute à la provocation…

Océane Brunet
( Mis en ligne le 03/08/2006 )
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