L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

Crève Saucisse
de Rabaté et Simon Hureau
Futuropolis 2013 /  17 €- 111.35  ffr. / 80 pages
ISBN : 978-2-7548-0886-6
FORMAT : 21,5x29 cm

Cocu comme cochon

Didier, boucher, cocu : en trois mots, l’intrigue de Crève Saucisse est plantée. Didier est un boucher, un artisan sympathique, apprécié de ses clients, et qui aime son métier… le personnage populaire que tout le monde reconnaît dans la rue. Oui, mais Didier est amoureux et malheureux. Sa femme le trompe, et qui plus est, avec un ami (ou supposé tel), Eric, modèle de beauf satisfait, mais qui, hélas à su séduire l’infidèle. Et le calvaire de Didier en fait que continuer, car les deux couples font vacances communes, l’occasion pour les deux amants de se retrouver discrètement… ou du moins d’essayer. Car Didier s’escrime à empêcher, par des ruses de sioux, tout aparté… Toutefois, l’affaire devient intenable et le boucher malheureux songe à des mesures plus définitives. Trouvant dans un album de Gil Jourdan une inspiration inédite (pas si inédite que cela : le cinéma avait déjà exploité le filon, à partir d’un roman de Boileau-Narcejac !), il décide d’en passer par la manière brutale, avec, comme arme du crime, l’île de Noirmoutier… Le crime parfait ? à voir…

Il y a dans les prémices de ce bel album, une référence discrète à un joli film, Carnaval, où Fernandel jouait les cocus magnifiques… mais Mr Dardanelle, le héros du film, prenait l’affaire avec un détachement qui sauvait son couple, quand Didier, le héros du livre, s’engage dans une toute autre voie, celle de la vengeance qui se déguste non pas froide, mais plutôt tiède. Avec ce Crève Saucisse, Pascal Rabaté se fait plaisir en créant un personnage sympathique, mais peu à peu ambigu. On a forcément de la compassion pour le Didier qui ronge son frein, qui souffre en silence en espérant reconquérir sa belle, on est un peu plus interloqué par le Didier brutal, qui vide sa colère à coup de couteau et ourdit un crime d’autant plus subtil qu’il vient de la BD, un art méprisé par sa victime. Et l’on se demande au final lequel des deux Didier s’imposera, le romantique ou le froid et méthodique ? Une intrigue efficace et un crime (presque) parfait, joliment mis en scène par Simon Hureau, très inspiré, qui jusque au dénouement, nous mène en bateau, avec son décor estival, son boucher gentiment bedonnant, et ses amants azimutés. Mais, comme un bon film de Chabrol – et cet album en a le goût et les ambiances – le dénouement sera impitoyable, et la justice, immanente. Une vraie réussite un tandem qu’on espère revoir.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 18/02/2013 )
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