L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

Orignal
de Max de Radiguès
Delcourt - Shampooing 2013 /  13.95 €- 91.37  ffr. / 152 pages
ISBN : 978-2-7560-4100-1
FORMAT : 14,7x21 cm

Collège blues

Joe est un adolescent quelque peu malmené par sa vie scolaire : dans ce collège d’Amérique du Nord, il est devenu – on ne sait trop pourquoi (du moins au début) – le souffre-douleur d’une bande de jeunes abrutis avec en premier lieu Jason, sadique, méchant et menteur. Alors, tous les jours Joe évite de prendre le bus scolaire : il préfère venir à pied, à travers la nature, quitte à arriver en retard et alourdir son dossier auprès de ses professeurs, complètement ignorants de ce qui se trame dans leur propre classe.

La collection Shampooing, dirigée par Trondheim, nous a habitué à des récits drôles ou tout au moins légers. Ici, on est plus dans le récit grave et dramatique. Et même si la noirceur est contrebalancée par un graphisme frais et d’une naïve clarté, l’histoire ne se dépare jamais d’une ambiance quelque peu mortifère.

C’est un récit de plus sur le mal-être adolescent, mais il est suffisamment bien raconté et fort qu’il pourrait devenir une référence du genre. Surtout, Max de Radiguès parvient à faire de ce drame un habile récit où le lecteur est mis à rude épreuve dans un jeu pervers d’identification, d’empathie puis de rejet. Il y a beaucoup d’ambigüité dans le message délivré ici, mais cela revient à jouer cartes sur tables, à ne pas tomber dans le nunuche ou le trop manichéen. Au final, tout cela fait un peu froid dans le dos et donne de l’épaisseur à cette histoire de tous les jours.

C’est enfin, une ode à la nature, lorsque la ville triste et grise devient oppressante, il y a ces montagnes, ces forêts, et ces animaux. L’orignal du titre, grand cervidé impassible, est ainsi comme une divinité sortie de nulle part, apparition impressionnante qui viendrait sauver Joe du pire, tout en instaurant une justice radicale, expéditive. La loi de la nature est plus forte que tout, plus forte que les hommes et leurs petits drames. Et dans le blanc de la neige qui rime avec le blanc de ces planches, le trait noir, fébrile, qui sert de contour aux silhouettes ne peut que se sentir tout petit, écrasé.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 08/06/2013 )
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