L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

Pilules Bleues
de Frederik Peeters
Atrabile 2001 /  19.85 €- 130.02  ffr. / 190 pages
ISBN : 2-9700165-6-7

Plongée intime

Entre journal intime et roman autobiographique, Pilules bleues de Frederik Peeters invite le lecteur à partager une tranche de sa vie. On y découvre ainsi comment l’auteur fait la rencontre de Cati, comment il la perd de vue. Comment aussi, plus tard, il la retrouve, et pour de bon mais avec un enfant. Puis, après une trentaine de pages, le choc. Cati et son enfant sont séropositifs. La suite illustre la vie avec le virus, les doutes, les angoisses, la peur et puis, encore plus fort, l’amour. Le livre refermé sur un voyage familial en Thaïlande, la vie continue pour Fred, sa femme et l’enfant. Mais le lecteur, lui, est désormais maintenu à l’écart.

On voudrait que ça continue, pourtant, tant le livre de Frederik Peeters touche directement au cœur. D’une étonnante sincérité, le récit réussit ce tour de force de montrer l’intime sans verser dans l’impudique. Il n’exclut pas, pourtant, la sensualité ou le côté charnel de la relation amoureuse. Et il ne met pas non plus de côté quelques détails parfois assez crus – la plaie sur le sexe par exemple. Mais c’est que Peeters navigue constamment dans la poésie, solidaire de ses réflexions existentielles : c’est le canapé au milieu de l’océan, les sept planches de «Pourquoi tu m’aimes ?», ou le rhinocéros transformé en épée de Damoclès.

Car ces Pilules bleues, qui sont celles de la trithétapie, sont aussi une réflexion sur la création, une mise en abyme du travail de l’artiste. Et au-delà, un questionnement sur notre capacité à contrôler le monde, parfaitement résumé par cette phrase que Frederik dit à un ami en se baladant dans un parc : «Des fois, je me demande si notre histoire n’est pas écrite à l’avance par un scénariste consciencieux.» Ce clin d’œil, c’est celui de l’auteur qui voudrait renverser la logique, décider plus que subir, précéder plus que suivre. Mais qui reste impuissant face au cours des choses. Et se demande s’il faut vraiment le déplorer.

Cette réflexion sur la création, le choix du noir et blanc, le style du dessin : tout cela évoque le Journal d’un album, de Dupuy et Berberian, dont les Pilules bleues sont plus proches que d’autres autobiographies en BD, comme le Maus de Art Spiegelmann ou le Persepolis de Marjane Satrapi. Mais ne nous y trompons pas : dans l’émotion qu’il suscite et dégage comme dans la façon dont il parvient à impliquer le lecteur, cet album exceptionnel est unique en son genre.


Thomas Bronnec
( Mis en ligne le 14/01/2002 )
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