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Bande dessinéeet Réaliste  

Le Sang des valentines
de Christian De Metter et Catel
Casterman - Un Monde 2004 /  13.50 €- 88.43  ffr. / 56 pages
ISBN : 2-203-39115-4
FORMAT : 24 x 32 cm

Prix public du Meilleur Album dans le cadre du Festival d'Angoulême 2005.

Superbe !

12 novembre 1918. L’armistice est signé, Augustin peut quitter son camp de prisonniers et rentrer chez lui. Revoir Geneviève, enfin. Sa femme, qui vit dans leur petit village des Pyrénées, avec Louisa, la bonne, et Firmin. Tout près de chez Félicien, le cousin de Geneviève, qui, avant, fréquentait Matisse et le Tout-Paris. Mais c’était avant. Avant la guerre et les éclats d’obus. Les salons parisiens, plus la peine d’y penser quand on est une gueule cassée. Geneviève n’est pas là pour voir Augustin revenir, un jour de neige. Elle n’est pas loin, pourtant : à deux pas de la maison ; à six pieds sous terre. A peine sorti de l’horreur, Augustin y replonge. Celle qui lui avait donné la force, dans ses lettres, d’y croire encore, n’est plus de ce monde. Avoir survécu pour découvrir cela, quelle ironie… La mort de sa femme n’est d’ailleurs pas la seule chose qu’Augustin découvrira à son retour.

Mais on ne dévoilera pas ici la découverte tardive d’Augustin. Si elle donne encore plus de force à l’album, elle n’en est d’ailleurs pas la pièce maîtresse. Le Sang des valentines est un ouvrage tout simplement superbe, d’une construction subtile (de souvenirs en récits imbriqués), totalement maîtrisée. On avance lentement dans cette histoire d’un retour de l’enfer, où il n’y a pas à proprement parler d’intrigue. Il y a des vies, c’est beaucoup mieux. La guerre, bien sûr, est présente en toile de fond, mais elle n’est qu’un contexte parmi d’autres pour parler de solitude, d’illusions, de regrets, d’amertume, de folie douce. La qualité de l’écriture le dispute à la beauté des dessins. Chaque vignette est un tableau, une œuvre d’art forte, expressive. Christian De Metter excelle à traduire les émotions des personnages, qui deviennent parfois plus vrais que nature. L’originale contribution de Catel (les lettres illustrées que Geneviève envoie à Augustin, ces fameuses «valentines»), au style graphique si différent, apporte une touche légère et onirique à ce récit très sombre. La superposition de ces deux «pattes» aurait pu gâcher l’ensemble, il n’en est rien : elle le rehausse au contraire. Le Sang des valentines est de ces albums dont on sait, une fois refermés, qu’on les relira souvent. A ranger au rayon «C», comme chef-d’œuvre.

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 13/03/2004 )
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