L'actualité du livre
Bande dessinéeet Réaliste  

Un pacte avec Dieu
de Will Eisner
Delcourt 2004 /  12.50 €- 81.88  ffr. / 184 pages
ISBN : 2-84789-302-4
FORMAT : 17,5 x 26 cm

New York, New York

D'abord publié aux Humanoïdes Associés en 1982 sous le titre Un bail avec Dieu, puis deux années plus tard chez Glénat, rebaptisé Le Contrat, ce classique de Will Eisner s’offre une nouvelle nouvelle jeunesse grâce aux bons soins de Delcourt, déjà éditeur de quelques autres œuvres du maître américain.

Will Eisner a soixante ans et une tonne de planches du Spirit derrière lui lorsqu’il dessine en 1978 les quatre récits qui composent Un pacte avec Dieu. Pour ces histoires aux antipodes des exploits du justicier masqué, Eisner se replonge dans ses souvenirs d’enfance et revient sur les lieux qui l’ont vu grandir : le 55 Dropsie Avenue dans le Bronx de New York. Eisner s’attache à retranscrire la vie des petites gens de ce "micro-village" bigarré et populaire. Mais point de démagogie déplacée dans l’œuvre d’Eisner. L’auteur américain peint ses personnages avec toute l’objectivité d’un observateur en promenade, le carnet de croquis en poche, et n’hésite pas à pointer les plus vilains défauts de chacun. L’ambition et l’appât du gain sont ainsi au cœur des jolies colonies de vacances de "Cookalein", et la bêtise et le vice sont les vainqueurs dans "Concierge". Quant à l’histoire qui donne son titre à l’album, petit chef-d’œuvre inclassable et leçon de bande dessinée, c’est un étonnant récit au lyrisme constamment miné par des préoccupations plus terre-à-terre. Tout le génie de Will Eisner, c’est d’arriver à jongler avec ces thèmes forts et parfois provocants sans jamais tomber dans le sordide ni le cynisme. Ses personnages restent attachants, immédiatement familiers, et ses histoires du quotidien sont toujours singulièrement marquantes.

À la sortie de l’album en 1978, Eisner emploie le terme de graphic novel pour qualifier son travail. S'il a toujours aimé jouer avec les codes de la bande dessinée dans ses planches du Spirit, Un pacte avec Dieu va en effet encore plus loin dans ses recherches esthétiques et narratives. Eisner donne ici une grande importance au texte ; sa typographie, sa taille, sa disposition, tout est étudié pour que le texte devienne à côté du trait au pinceau, un élément graphique à part entière. De même, l’auteur repousse les limites du cadre, parfois en l’éliminant purement et simplement, et dispose d’astucieux chevauchements de cases. Les effets ne sont pour autant jamais gratuits : tout ici est mis au service de l’histoire et de ses personnages.

Par la suite, Eisner peaufinera ses histoires et cette manière unique de les exposer pour donner les chefs-d’œuvre que sont Big City ou Dropsie Avenue. Un pacte avec Dieu reste toutefois l’ouvrage fondateur, le comic book qui pour la première fois prouvait que l’on pouvait raconter autrement, autre chose.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 24/07/2004 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)