L'actualité du livre
Bande dessinéeet Comics  

Sam & Max Police Freelance
de Steve Purcell
Onapratut 2015 /  20 €- 131  ffr. / 200 pages
ISBN : 9782953732856
FORMAT : 17x24 cm

Les deux font la paire (de baffes)

Dans l’une des histoires de ce beau recueil, Sam et Max, détectives privés
franchement allumés, se rendent sur la Lune dans leur voiture, grâce à des
allumettes astucieusement fourrées dans le pot d’échappement. Arrivés là-
bas, ils se coiffent de sacs en papier pour pouvoir respirer puis commencent
à marcher vers la ville au loin. Mais une jeep lunaire les aborde avec à son
bord un gorille et un zèbre. Ce dernier a des mains pour conduire et c’est
ce qui met la puce à l’oreille de Sam : quelque chose de bizarre se trame
ici ! Voilà un rapide résumé prouvant le degré de fantaisie
absurde proposée dans Sam & Max. Avec toujours ce petit air de rien,
comme si tout était ici absolument normal.

Sam c’est le chien, Max le lapin. Ou c’est peut-être l’inverse, ils se
mélangent eux-mêmes les pinceaux. Le premier porte le chapeau mou et le
costume façon Bogart. Le second ne porte rien façon psychopathe. S’ils
courent après les affaires et se bousculent comme des malpropres dès que le
téléphone sonne, c’est que leurs méthodes peu orthodoxes en effraient plus
d’un. Pas grave, malgré les difficultés du métier, les deux amis gardent un
moral inébranlable et un dynamisme indéfectible. Les ravis de la crèche ?
Non, plutôt deux êtres foncièrement détachés, cyniques, fonceurs, et qui ne
s’embarrassent pas de la courtoisie. Bavards, constamment surexcités,
toujours d'accord l'un avec l'autre et, tant qu’ils sont ensemble, rien
autour ne semble les déranger.

Les récits fous de Steve Purcell emmènent donc ses héros et lecteurs dans
des grands huit narratifs improbables, où l’improvisation est sans doute
présente mais pas pesante tant l’ensemble semble couler de source et où,
principe narratif hérité du cartoon, d’une case à l’autre on peut être
transporté de la grande ville américaine à l’Egypte ancienne, et de la Terre
à la Lune. On est là pour rigoler, pour s’évader et ce ne sont pas des
cadres et des bulles qui vont nous en empêcher. Steve Purcell saborde les
frontières et multiplie les escapades à travers les grands genres populaires
: on voit ainsi Sam et Max devenir pirates, cowboys, jouer les Indiana Jones
en Atlantide, visiter le manoir de Frankenstein, ou prendre la place des
héros de Star Wars… Tout semble permis, tant qu’il y a de l’idée il y
a du scénario. Aussi aléatoire soit-il. Le tout est inondé d’un déluge de
répliques fraîches et hilarantes : « 66 % des crimes violents sont commis
par des monstres. Je n’y aurais pas cru moi-même si je ne venais pas de
l’inventer.
» Ou encore, à l’occasion de Noël : « Je voudrais porter
un toast barbant à nos invités formidables. On aurait pu vous acheter des
cadeaux, mais ça ne nous a même pas traversé l’esprit
». On le voit, Sam
et Max sont deux grands fous dissipés, foncièrement irresponsables et
dangereux qui disent tout haut ce que personne n’ose penser tout bas. Une
police freelance qui fait des dégâts et qui aime avant tout l’action, la
bonne vanne et la malbouffe.

La préface, instructive, revient sur la saga de ces héros. On apprend ainsi
que Sam et Max n’ont pas été crées par Steve mais par son frère, Dave. Puis,
après avoir été stars de comics, les deux personnages ont été les
protagonistes du jeu vidéo Sam & Max Hit the Road (époque bénie des
jeux LucasArts), puis d’un dessin animé. Plusieurs histoires ont été
publiées de 1987 à 1998. Ce recueil quasi intégral (manque le webcomic
The Big Sleep que l’on peut toujours découvrir en ligne) est rempli à
ras-bords et la bonne surprise est qu’après les pages, somptueuses, en noir-
et-blanc, on trouve plusieurs planches en couleurs plus un cahier
d’illustrations. L’ensemble permet d’apprécier l’étendue du talent de Steve
Purcell, aussi à l’aise avec les ombres classieuses et les éclairages
tranchants qu’avec les nuances colorées.

C’est donc une petite pépite, finement dénichée et joyeusement exportée par
les éditions Onapratut. Un régal. Comme un esquimau à la bière.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 15/05/2015 )
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