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Bande dessinéeet Comics  

Strange Fruit
de Mark Waid et J.G. Jones
Delcourt - Comics 2017 /  15.95 €- 104.47  ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-7560-9185-3
FORMAT : 19x28,4 cm

Black is beautiful

Chatterlee, Mississipi, 1927. Le fleuve gronde, grogne, et la crue menace de dévaster toutes les terres environnantes. Toute une communauté s’affaire pour éviter le pire, mais que faire quand à l’intérieur même de cette ville, les querelles, les colères et les suspicions pourrissent tous les rapports. Et surtout que faire quand le racisme est toujours aussi présent, étouffant, effrayant ? Un ingénieur Noir est dépêché de Washington pour évaluer la situation mais on lui rétorque assez rapidement que le problème ici c’est qu’il y a « un peu trop de nègres en costume ». Ambiance. Aussi, alors que la catastrophe est imminente, tout s’accélère, un enfant disparaît, des encapuchonnés décérébrés du KKK se mettent en chasse et surtout, surtout… un homme tombe du ciel. Un surhomme. Un colosse noir immense, doué d’une force prodigieuse, muet, mais doté d’une prodigieuse intelligence lui permettant d’aider, à sa façon, ces pauvres petits humains abasourdis.

Black Panther ou Power Man ne sont pas les premiers super-héros noirs. En tout cas, chronologiquement, le titanesque extraterrestre crée par Mark Waid dans ces pages devance même Superman. Et si l’étranger fait peur, on peut dire que celui-ci tombe bizarrement au bon endroit, au bon moment. Dans cet état profondément marqué par le racisme, qui a encore du mal à se remettre de la fin de l’esclavage, et qui ne se défait toujours pas de ses préjugés, un état qui pratique le lynchage comme on va acheter du pain, et où la ségrégation semble naturelle et normale, l’arrivée d’un sauveur noir ne peut qu’être accueillie que froidement.

Le récit de Mak Waid s’éloigne du comics de super-héros traditionnel en insistant sur le contexte historique marqué. Ici le super-vilain qui s’oppose au Colosse venu de l’espace est une entité invisible, une gangrène qui s’empare des esprits et pousses les fermiers comme les notables à se mettre une capuche blanche sur la tête. Pas de super batailles donc, mais une belle histoire, magnifiée par les peintures de J.G Jones qui rappellent les illustrations de Norman Rockwell : on est dans cette même Amérique à la fois fantasmée et cruellement réelle, rêvée et cauchemardesque. Il y a parfois des longueurs, et des personnages un peu faiblards mais l’ensemble donne un très beau comics, ambitieux et prenant.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 12/05/2017 )
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