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Violent cases
de Neil Gaiman et Dave McKean
Au Diable Vauvert 2006 /  17.50 €- 114.63  ffr. / 48 pages
ISBN : 2-84626-107-5
FORMAT : 21 x 28 cm

L’enfant et les gangsters

Depuis que Dave McKean s’est chargé de dessiner toutes les couvertures de la série Sandman de son ami Neil Gaiman, la paire d’artistes a donné l’image d’un duo inséparable, dont les visions respectives se mariaient à la perfection pour donner des scènes fortes et inspirées. Et si les collaborations entre les deux hommes se comptent encore sur les doigts d’une main, elles sont toujours marquantes. On se souvient notamment de Mr Punch et Des loups dans les murs, deux livres atypiques d’une singulière beauté, ainsi que Black Orchid, aventure poétique et sombre dans l’univers de Batman,.

Violent Cases est comme un morceau d’histoire puisqu’il s’agit à la fois de la toute première collaboration entre Gaiman et McKean, et aussi de leurs premiers pas respectifs dans le monde du comic book. Paru en 1987, en noir et blanc, puis traduit en français chez Zenda en 1992, l’ouvrage est vite devenu introuvable. Les éditions Au Diable Vauvert rééditent heureusement aujourd’hui cet album, lui redonnant au passage ses couleurs d’origine.

D’abord, il y a un souvenir d’enfance de Neil Gaiman lorsque celui-ci alors âgé de quatre ans se fait soigner par un ostéopathe qui fut autrefois le médecin d’Al Capone. Le vieux praticien raconte à l’enfant des anecdotes sur cette période de sa vie pleine de bruit et de fureur, où les comptes se réglaient arme au poing et feutre mou sur la tête. Pour Gaiman, c’est le prétexte à des parallèles audacieux avec sa propre enfance, ses relations avec ses camarades et son père. Ce récit empli de nostalgie et de peur montre déjà le goût de son auteur pour les comics différents. Une histoire sans super-héros ni futur apocalyptique, et une poésie noire qui court sur chaque page.

Dave McKean, 25 ans à peine, est déjà un formidable dessinateur. Trois ans avant l’élaboration de son monumental Cages, il bouscule déjà la planche en tout sens, faisant déborder ses images au-delà d’un traditionnel gaufrier. L’artiste a besoin d’espace et de liberté, il s’empare de la page à bras le crayon et en fait son terrain de jeu préféré, lieu d’expérimentations et de créativité sans cesse renouvelée. Il marche déjà dans les pas de Bill Sienkiewicz qu’il admire, lui empruntant ce style fait de nervosité et d’hyperréalisme, et se plaît déjà à mélanger techniques picturales en tout genre, collage détonnant qui fait de chaque page une nouvelle surprise. Mais c’est surtout la façon dont il s’empare des mots de Neil Gaiman qui marque déjà ce premier travail. Affranchi d’un découpage trop sage pour contenir ses folles visions, il fait fuir le texte vers des directions déjà peu cardinales. Narrateur avant tout, ses planches ne sont pas seulement esthétiques, elles racontent et expriment quantité d’émotions.

S’il n’a certes pas la saveur incomparable des livres qui suivront, Violent Cases reste un moment de lecture fort et plein de qualités formelles. L’embryon d’une œuvre qui atteindra vite sa pleine maturité artistique.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 02/06/2006 )
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