L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Neuf mois
de Nicolas Vadot
Casterman 2009 /  15 €- 98.25  ffr. / 72 pages
ISBN : 9782203014176
FORMAT : 24x32 cm

Papa poussin

Colin roule de nuit dans sa Coccinelle en écoutant des vieux tubes des années 80. Chez lui, sa femme dort paisiblement. Elle est enceinte et le divin enfant est prévu pour Noël, dans deux mois. Le stress, la peur du changement et l’angoisse de ne pas être à la hauteur poussent le jeune homme, insomniaque, à rouler sans but toutes ces nuits. Mais voilà le grain de sable : à la sortie d’un tunnel, Colin se retrouve au volant d’une Chevrolet, au milieu d’un désert, une immense étendue de sable blanc. De ce côté-ci du tunnel, tout est franchement insolite et étonnant. Un requin géant vogue dans les airs, trois clones de Freud indiquent le chemin au visiteur égaré et le seul village des environs semble sorti d’un western. Colin est passé dans un autre monde, et les rencontres qu’il fera ici l’aideront peut-être à mieux appréhender sa future paternité.

Ils sont nombreux les auteurs de bande dessinée à avoir arpenté les territoires du rêve. De Winsor McCay à Marc-Antoine Mathieu (indirectement cités dans ce livre), en passant par Fred, Mœbius ou David B., chacun a profité de l’extraordinaire liberté offerte par le neuvième art pour mettre en scène des univers fous, des visions étonnantes et des constructions narratives et graphiques singulières. Nicolas Vadot a lu ses maîtres et a compris la leçon. Il ajoute à ses propres visions chimériques le contraste avec le quotidien. Ici, le rêve permet de retrouver un certain équilibre, d’analyser ses peurs, et reste finalement un remède, un endroit où l’on peut envisager selon un autre angle les soucis de la réalité. À partir de ce prétexte narratif un peu fluet (la future paternité vécue comme angoissante), Vadot évoque donc un autre monde quelque peu excentrique. En bon lecteur de Freud, Vadot sait que les mots deviennent des images (le chat dans la gorge, le bout du tunnel, les requins…), et les substitutions/déplacements monnaie courante (des chameaux hauts sur patte, un chaton qui devient panthère…). L’imaginaire tourne un peu court, mais propose quelques bons moments.

Là où l’album ne tient malheureusement pas toutes ses promesses, c’est dans son traitement graphique, souvent un peu maladroit et manquant de style. Les auteurs cités plus hauts ont tous un univers graphique fort, une patte, qui manquent ici. De fait, les images gentiment folles sorties de l’imagination de Vadot n’ont pas le caractère spectaculaire sans doute espéré, et le dessin à vocation réaliste de l’auteur n’est pas assez maîtrisé pour être réellement impressionnant. L’utilisation de polices numériques n’arrange rien à l’affaire. De même, si les cadrages et le découpage sont très travaillés, ils viennent parfois hacher une action qui n’en demandait pas tant, alourdissant la lecture, et scandant trop mécaniquement des scènes qui perdent dès lors de leur onirisme et de leur poésie. Vraiment dommage, car Vadot a le sens des mots et son récit se découvre sans ennui, les différentes scènes titillant toujours un peu plus la curiosité du lecteur.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 05/05/2009 )
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