L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Les Nuits rouges du théâtre d’épouvante
de Alexandre Kha
Tanibis 2014 /  20 €- 131  ffr. / 124 pages
ISBN : 978-2-84841-028-9
FORMAT : 23x31 cm

Entre chien et loup-garou

Après le vert, le rouge. Le précédent livre d’Alexandre Kha, Les Monstres aux pieds d’argile, baignait d’une lumière émeraude et c’est cette fois au milieu d’auréoles sanguines qu’évoluent des personnages toujours aussi solitaires. Il y a l’épouvantail amoureux, l’ancien séducteur au visage vitriolé, l’homme sans tête, le lycanthrope et le souffleur. Il y a aussi, au milieu de ce petit bestiaire, Elena, jeune ukrainienne sans papiers qui fait tourner les têtes ou ce qui en reste. Deux lieux, deux pôles attirent les personnages. Il y a le cimetière où il s’en passe de belles, entre un mari cocu qui ne veut pas renter chez lui, des orgies et quelques morts-vivants mélancoliques. Et de l’autre côté, il y a le théâtre, perché sur une colline. C’est un théâtre d’épouvante, on y joue « Le Laboratoire de la Mort lente » et chaque soir ou presque cris et malaises des spectateurs sont au rendez-vous.
Entre ces deux centres d’attraction, il y a la ville, faite de tours grises et de rues désertes, de maisons abandonnées et d’usines désaffectées. Il y fait toujours nuit. Une nuit grise, lorsque le soleil commence à se coucher et que les lampadaires viennent de s’allumer. Entre chien et loup-garou.

Avec toujours ce trait faussement fragile et une économie de moyens parfaitement gérée, Alexandre Kha parvient magistralement à installer une ambiance, entre rêve et cauchemar. Ses personnages, loufoques et inattendus, prennent au fil des pages une épaisseur inattendue et les récits insolites deviennent de vraies tragédies. Cette petite troupe de comédiens malgré eux dévoile une drôle de représentation où la mélancolie tutoie l’humour noir. Amour passionné et érotisme discret sont aussi de la partie mais au bout du compte, chaque personnage est renvoyé à sa propre solitude, personne n’arrivant vraiment à se dépêtrer de ses angoisses, de ses inquiétudes, de ses corbeaux.

Un ton unique, un style marqué. Avec cet hommage feuilletonesque au théâtre du Grand-Guignol, Alexandre Kha montre une fois de plus son discret talent pour conter des histoires résolument à part.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 18/12/2014 )
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