Bande dessinée
Fantastique de Crisse et Carlos Meglia
Soleil 2007 / 12.90 €- 84.5 ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2849467817
FORMAT : 23x32 cm
Quiproquos temporels
Tout commence par une bêtise d’enfant, le genre de bêtise grave qu’on regrette au moment même où on l’accomplit : un petit chenapan vole un objet qui ne lui appartenait pas… L’ennui, c’est que l’objet en question est un bracelet sacré destiné aux dieux et que l’on est dans le Mexique d’avant Colomb, un endroit où l’on ne rigole pas avec ces choses là. Sacrilège, blasphème… Et en plus, le bracelet s’est refermé sur le bras du garçon, sans espoir de réouverture normale… Bref, des soucis en perspective pour lui et sa grande sœur, Cañari, laquelle est plus ou moins responsable de la bêtise du petit frère. Et si ce n’était que cela… quelques siècles plus tard, au même endroit, un jeune surfer américain, Wayne, se sent appelé par l’endroit même où, des siècles plus tôt, le sacrilège s’est noué. Un lien existe, mais lequel ? Dans ce second tome d’une série qui joue, ô bonheur, sur le temps et ses complexités, on découvre donc l’ampleur de la faute originelle, qui impose un détour par le monde des dieux et, pour arranger les choses, un petit sacrifice humain. Partagée entre le respect des traditions de son peuple et la vie de son petit frère, Cañari va devoir faire un long chemin pour trouver celui qui pourrait résoudre l’énigme du bracelet et de sa fonction exacte… mais un chemin à travers le temps ?
Dans le genre mythologies revisitées, Crisse (auteur talentueux et prolixe : citons Kookabura pour la SF) est une valeur sûre du scénario : après les religions grecque (Atalante) et égyptienne (Ishanti), nous voici dans le Mexique antique, un Mexique à la fois coloré chatoyant et cruel. Et comme pour les séries précédemment citées, on est dans le spectaculaire, l’efficace, le rebondissant, le tortueux, le jouissif… Avec cette intrigue temporelle, Crisse s’amuse même encore davantage à bouleverser son récit en entrecroisant, parfois case par case, les époques et les personnages. Le résultat est très séduisant, et donne l’impression d’être bousculé – comme les héros – par le déroulement du temps. En outre, Crisse est très fort dans le cliffhanger, ce moment angoissant où l’on achève une page en se demandant quand le ciel va finalement vous tomber sur la tête… et dans ce domaine, la fin est spectaculaire ! Il faut dire aussi qu’il est servi, ô combien, par le trait de Carlos Meglia (Cybersix), qui s’est manifestement bien plu à mettre en scène ce récit complexe : cela donne non seulement des pages très réussies sur la jungle mexicaine ou sur le monde des dieux, mais surtout une esthétique riche, un Mexique fantasmé, fondé sur une palette de couleurs explosives (tout est dans l’art des contrastes entre l’ombre et la lumière). Les personnages féminins sont – dans la tradition des albums de Crisse – gorgeous - comme une déclinaison d’un même style (ou d’une même patte) dans des univers différents. Bref, une série très réussie, très convaincante visuellement, et qui ne demande qu’une suite rapide (et entre Atalante, Ishanti et Cañari, il y a du boulot, M’sieur Crisse !).
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 28/05/2007 )
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