L'actualité du livre
Bande dessinéeet Fantastique  

Le Dernier Cow-boy raisonnable et autres histoires
de Daniel Merlin Goodbrey
Actes Sud - l'An 2 2008 /  22 €- 144.1  ffr. / 120 pages
ISBN : 978-2-7427-7332-9
FORMAT : 20,5x29 cm

Patchwork en noir et blanc

Lorsque Daniel Merlin Goodbrey a envie de dessiner un enfant qui lance une balle à un dauphin volant à un mètre du sol, il ne se pose pas de questions, il le dessine. Il l’avoue d’ailleurs lui-même dans la post-face de ce recueil. Et qu’importe si cela fait passer sans ménagement le lecteur dans une autre dimension. Le monde de Goodbrey est celui de la Terre défroissée, notre planète qui après diverses menues secousses serait redevenue la même, avec quelques étranges décalages tout de même. Ainsi, les scorpions portent des chapeaux de cow-boy, une jeune femme sent les odeurs du lendemain, un homme possède un globe terrestre en guise de tête… Le monde ici décrit est une affaire de bon sens mis à l’envers, un territoire retourné, retroussé sur lui-même, source d’événements fantastiques parfois dérangeants, parfois plus drôles, mais toujours acceptés comme un nouveau quotidien, une habituelle routine. D’une page à l’autre, l’auteur fait se tamponner les idées et les genres; il réinvente Lovecraft avec une histoire labyrinthique de maison hantée, il mélange western et épouvante à la manière d’une série Z des années 70, et il envoie promener la science-fiction du côté des surréalistes.

De ces idées collages, découlent une technique appropriée: copiés-collés de silhouettes noires posées sur des fonds gris dilués, le sujet détaché de la forme, comme flottant dans un monde figé, des décors faussement familiers, échos d’un lointain souvenir. Et l’utilisation d’une police informatique dure et franche rappelle d’une part l’origine numérique du travail de Goodbrey (voir son site Internet et sa multitude de webcomics) mais donne d’autre part une dure froideur à ces intrigues et empêche l’ensemble de devenir idiot à force de tirer sur la corde de l’absurde. Le résultat est brutal et radical, sans tentative de séduction graphique outrée, ni même l’envie de prendre le lecteur par la main. Qui l’aime le suive. Plutôt difficiles d’accès au premier abord, les récits de Goodbrey dégagent vite un charme vénéneux, piquant comme un dard et toujours troublant.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 10/06/2008 )
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