Bande dessinée
Science-fiction de Damien Marie et Sébastien Goethals
Bamboo - Grand Angle 2009 / 12.90 €- 84.5 ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-35078-443-4
FORMAT : 23.5x31 cm
L’avenir appartient aux pilules…
Un jeune garçon – appelons le X, il n’a pas de nom, juste une silhouette belle et bronzée, un père milliardaire et absent, de l’argent à ne plus savoir qu’en faire et un ennui que rien ne vient contrarier, à peine sa petite amie, Jenny – dans une Amérique post-crise. On est à Los Angeles, dans un futur proche et assez cohérent où les riches sont toujours plus riches, les pauvres encore plus pauvres, où chaque classe vit soigneusement séparée des autres, et où la seule expérience en terme de communication se résume à une drogue qui permet de passer d’une personnalité à une autre. Riant, le futur de Ceci est mon corps ! Avec « Lumière crue », premier tome de la série on fait connaissance avec une jeunesse dorée, droguée, avide de sensations nouvelles. Car il y a des pilules pour tout, dans cet avenir : se réveiller, somnoler, planer, changer ses perceptions… Et même le moyen de changer de peau et d’habiter un autre corps. Tout cela est assez encadré, mais si l’on pouvait forcer quelqu’un à accepter un esprit étranger, si l’on pouvait, sans règles, le contraindre à n’importe quoi… et si en plus, on peut jouir de l’impunité, pourquoi se priver ? Et quand cette jeunesse dorée s’amuse avec la vie des uns et des autres, tue pour la seule curiosité, les gentils délires de la jet-set basculent dans un carnage qu’il va falloir effacer, à tout prix…
Il ya du Bret Easton Ellis dans ce tableau d’une high society sans foi ni loi, sans autre absolu que son nombril, richissime, déboussolée et en mal de sensations : drogue, courses de voiture et bagarres (par procuration), sexe (cruel et désenchanté), et drogues à nouveau… une génération sans avenir. La trouvaille, c’est ce procédé qui permet d’habiter, temporairement, le corps d’un hôte (plus ou moins volontaire) et de vivre donc une autre vie par procuration : l’expérience ultime… sauf si ça tourne mal, voire très mal. Le scénario de Damien Marie surfe sur quelques thèmes de prédilection de la littérature d’anticipation : le futur déglingué, les drogues, les personnalités multiples… Le mélange de tout cela donne un univers complexe, mais ce premier album, sans digressions inutiles, plante habilement le décor et l’intrigue. On commence à s’attacher aux personnages, et – un peu comme les héros – on se laisse porter par ce récit bien mené. Le graphisme de Sébastien Goethals (à commencer par la couverture, hommage discret à la génération Nirvana ?) fonctionne parfaitement : couleurs froides (en dépit de l’ambiance Hollywood), silhouettes sportives, regards durs… Goethals fait le tableau d’un monde lisse et impersonnel, sans âme mais pas sans vice. Le style est réaliste, pas forcément très original mais avec quelques belles idées, comme cette piscine vue par en dessous et qui dessine un espace sidéral et une autre réalité pour le héros. Au final, un dessin efficace au service d’un scénario solide et d’un univers assez cohérent. Une série d’anticipation bien maîtrisée.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 10/02/2009 )
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