L'actualité du livre
Bande dessinéeet Science-fiction  

L'Empire de la raison - L'instinct
de Tibery et Djordje Milosavljevic
Glénat - Zenda 2005 /  12.50 €- 81.88  ffr. / 48 pages
ISBN : 2723445518
FORMAT : 23 x 32 cm

Les loups et les agneaux

Qui a dit que le pire qu’il puisse arriver à un rêve, c’est qu’il se réalise ? En l’occurrence, dans un futur éloigné, l’humanité a accédé, après quelques millénaires de guerres plus ou moins mondiales, à la paix perpétuelle : désormais, un « ordinateur législateur » règle préventivement tout type de conflit, évitant l’usage des armes (conservées dans les musées) et la mort des hommes. L’angélisme comme idéologie dominante ? Pourquoi pas, mais l’homme peut-il contrôler longtemps ses pulsions de violence ? C’est là tout le thème de L’Empire de la raison, un conte fantastique et philosophique futuriste. Et dans cet empire rationalisé, divisé en nations aux cultures diverses mais toutes pacifiques, un groupe d’individus – pacifistes nés – se voit un jour forcé de prendre la voie des armes pour s’opposer à un chef de clan qui, secrètement, réactive les traditions guerrières de son peuple et entreprend de former une armée. L’homme redevient un loup pour l’homme !

Ce n’est pas un hasard si les auteurs de cette fresque de SF, Tibery (Tiberiu Beka, au dessin) et Djordje Milosavljevic (au scénario) sont tous les deux originaires d’ex-Yougoslavie : on sent, dans l’écriture du texte ainsi que dans une certaine mise en scène le poids d’une histoire nationale où résonne encore le bruit des bottes. Les interrogations de Milosavljevic ont un tour brûlant jusque dans la perception des divers personnages : pas de manichéisme simplificateur, mais plutôt une réflexion sur l’usage de la violence. Les différents héros (un artiste, une dompteuse, un nomade et un espion) doivent apprendre à se connaître, s’entraider et surtout retrouver l’instinct guerrier qui sommeille en eux. Mais ce premier tome atteste des difficultés de l’entreprise : sans doute faudra-t-il un cataclysme pour pousser l’agneau à devenir loup, ou bien sera-t-il nécessaire de rechercher l’aide de ceux qui, hier encore, étaient considérés comme des criminels incapables de contrôler leurs pulsions agressives. Dilemme cornélien ! Le graphisme de Tibery – manifestement fasciné par Marini (ses héros ont tous plus ou moins les traits de ceux de Rapaces) alterne les pages sombres, les grands espaces et les scènes apocalyptiques. Si les visages ne sont pas sa spécialité, il a en revanche le sens de la mise en scène et sait créer des décors futuristes crédibles dans un univers cohérent, mélange de SF et de fantasy. Bref, voilà le premier tome d’une saga ambitieuse, qui prête autant à la détente qu’à la réflexion.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 26/06/2005 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)