L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

New York Trilogie (tome 3) - Les Gens
de Will Eisner
Delcourt - Contrebande 2008 /  12.90 €- 84.5  ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-7560-0953-7
FORMAT : 17,3x26,4 cm

L’extraordinaire quotidien

Le titre original, sans concessions, Invisible people, devient ici sobrement Les Gens. Nul besoin d’en dire trop en effet. Will Eisner est un observateur attentif, un dessinateur qui aime ses contemporains autant pour leur forme (graphique) que pour leur (bon) fond. Déjà papa d’un justicier masqué (The Spirit), Eisner s’est rapidement tourné vers ces héros du quotidien, ces anonymes que l’on croise tous les jours dans la rue, ces hommes extraordinaires malgré tout. Amoureux de sa ville et de ses habitants, Will Esiner écrit ici trois jolis récits mettant en scène ces gens sans histoires qui justement font les plus belles fables.

Dans « Le Pouvoir », on suit la tragique destinée de Morris et de sa capacité à guérir miraculeusement les gens. Mais les bonnes intentions ne font pas tout et ce messie des temps modernes ne fait pas le poids face à la cruauté, la cupidité et l’ignorance de ses contemporains.
Dans « Combat mortel », deux amoureux patauds ne pourront pas aller très loin dans leur passion, prisonnier d’une belle-mère possessive à l’extrême.

Mais c’est le premier récit, « Sanctum » qui reste le plus marquant : on y suit la déchéance progressive et inéluctable d’un modeste repasseur victime d’une erreur de frappe. Voilà le pauvre homme, bel et bien vivant, déclaré - sans contestation possible - décédé dans la rubrique nécrologique du journal. Voilà ce mort-vivant perdant peu à peu toute présence, comme définitivement effacé, oublié de tous, sauf de sa famille… prompte à grappiller un éventuel héritage ! La construction du récit est diabolique, l’engrenage extrêmement bien huilé afin de faire de cette parabole un cauchemar à l’humour noir implacable. On penserait même à du Kafka si le quotidien mis en scène par Eisner n’était pas aussi sensible et chaleureux, l’auteur préférant faire de son héros un pauvre bougre qui n’a pas les moyens de se défendre, élaborant ainsi un drame humain imparable plutôt qu’une diatribe contre la toute-puissance technocrate.


Delcourt clôt donc en beauté cette trilogie, sans pour autant mettre de côté le travail de Will Eisner. Sont d’ores et déjà annoncées de nouvelles rééditions de La Valse des alliances et du (superbe) Rêveur. La Pléiade donc.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 04/11/2008 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)